Le Chili va passer à la semaine de 40 heures, une rareté en Amérique latine
Le vote, ce mardi 11 avril, a déclenché des scènes de liesse dans les travées du Congrès, réuni, comme toujours, à Valparaiso sur la Côte Pacifique et non dans la capitale Santiago. À la télévision nationale chilienne, le ton était solennel : "Il est 13h30 ce mardi 11 avril, dit le commentateur (donc 19h30 à Paris). Et voilà le vote !". Un raz de marée s’affiche sur le tableau électronique: 127 voix pour, 14 contre. Seule l’extrême droite a voté contre. La ministre du Travail, Jeannette Jara est au bord des larmes. Embrassades, cris de joie dans les travées du Congrès. L’émotion est palpable, les députés chiliens ont le sentiment d’avoir voté une loi historique qui va changer la vie : faire passer le temps de travail hebdomadaire légal de 45 à 40 heures.
Dans ce pays de 19 millions d’habitants, longtemps marqué par le libéralisme venu de l’école américaine des Chicago Boys, cette loi est lourde de symbole. C’était un projet porté à l’origine par le parti communiste. Et c’était l’une des promesses de campagne du jeune président de gauche Gabriel Boric. L’objectif, dit-il, c’est notamment que les parents aient plus de temps à consacrer à leurs enfants. Qu’ils aient une "vie plus épanouie".
La pratique courante des 48 heures par semaine
C’est un message aux autres pays latino-américains où la moyenne approche davantage les 50 heures. Le Chili n’est que le troisième pays latino-américain à adopter la semaine de 40 heures. Il rejoint l’Équateur et le Venezuela. Dans la plupart des pas d’Amérique du Sud ou d’Amérique Centrale, la règle c’est 48h par semaine. Par exemple chez le grand voisin du Chili, l’Argentine. Et aussi au Mexique, au Pérou, en Colombie. Ce sont des moyennes que l’on retrouve en Asie ou au Moyen-Orient. Quelques pays latino-américains sont quand même passés à la semaine de 44 heures, par exemple le Brésil ou le Honduras.Mais 40 heures, plus près des canons européens, c’est une rareté. Cela dit, il faut apporter une précision de taille : on ne parle là que du temps de travail officiel. En Amérique latine, l’économie informelle demeure très importante, 27% de la main d’œuvre au Chili est concernée. Et là forcément, les repères légaux relèvent un peu de l’illusion.
Une entrée en vigueur progressive d'ici 2028
Au Chili, la réforme va entrer en vigueur progressivement. Elle doit d’abord être ratifiée formellement par le président Gabriel Boric. Ce sera le cas le 1er mai, là encore symbole évident, c’est la fête du travail. Ensuite, la mise en application va s’échelonner sur cinq ans : d’ici un an, 44 heures. Puis d’ici trois ans, 42 heures et dans cinq ans, 40 heures. Les entreprises pourront organiser le travail comme elles l’entendent, par exemple passer à la semaine de quatre jours si elles préfèrent. Il y aura aussi des dérogations dans certains secteurs clés pour l’économie chilienne comme les transports ou les mines. Le temps de travail autorisé y sera de 52 heures mais avec une obligation de récupération en jours. Et bien sûr, le tout devra se faire sans diminution de salaire. Le gouvernement chilien est persuadé que le gain de productivité compensera cette réduction du temps de travail.
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