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L'oligarque russe Oleg Tinkov dénonce une "guerre folle" en Ukraine

Au bout de presque deux mois de guerre en Ukraine, ce banquier milliardaire russe hausse le ton contre Vladimir Poutine. Il se livre même à une attaque en règle. C’est une première par la virulence du propos.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
L'oligarque russe Oleg Tinkov assiste au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, le 6 juin 2019. (OLGA MALTSEVA / AFP)

Oleg Tinkov a 54 ans et ce n’est pas n’importe qui. En 2006, il a fondé la banque Tinkoff qui est rapidement devenue la troisième par la taille en Russie avec 20 millions de clients, et la première émettrice de cartes de crédit dans le pays. Il a choisi le réseau social Instagram pour exprimer la critique la plus violente à l’encontre de la guerre en Ukraine jamais manifestée depuis le début par un oligarque russe.

Les mots sont sans détour : "Je ne vois pas le moindre bénéfice de cette guerre folle", écrit Tinkov. Puis, l'oligarque russe continue dans la même veine : "Des gens innocents et des soldats meurent. Les généraux russes ont réalisé qu’ils ont une armée de merde. Ce pays est enlisé dans le népotisme et la servilité (...) 90% des Russes sont contre la guerre". Tinkov est un personnage haut en couleurs, assez iconoclaste, et atteint de leucémie. S’il s’autorise une telle liberté de parole, c’est parce qu’il vit à l’étranger. Il est d’ailleurs visé par des sanctions financières britanniques, car il se trouve souvent à Londres. Il avait critiqué l’invasion dès le début, mais cette fois la charge est beaucoup plus nette. Il appelle aussi l’Occident à "donner une porte de sortie à Poutine pour qu’il sauve la face et arrête le massacre".  

Des oligarques plutôt silencieux

Les milliardaires russes ne sont pas très nombreux à avoir manifesté ouvertement leur opposition au conflit. Ils l’ont fait de façon moins véhémente que Tinkov. On peut citer Mikhail Fridmann, un autre milliardaire, détenteur du fonds financier Letter One. Dès la fin février, il a écrit à ses employés pour exprimer son opposition à la guerre : "Il faut que s’achève cette effusion de sang, écrit Fridmann, cette crise va ravager deux nations sœurs." D'autres ont simplement appelé à la paix ou bien critiqué la situation économique. Par exemple, Oleg Deripaska, milliardaire lui aussi, fondateur du géant de l’aluminium Rusal, a dénoncé "le capitalisme d’État en Russie". Il a appelé à un changement de politique économique. Et puis il y a le cas particulier de Roman Abramovitch, l’ex patron du club de foot de Chelsea, un temps approché par l’Ukraine pour jouer les médiateurs. Mais les oligarques russes, pour la plupart, restent discrets ou expriment leur solidarité avec le Kremlin.

Des sanctions contre les biens privés plus que les entreprises

Quant aux sanctions contre tous ces oligarques russes, elles s’accroissent au fil des semaines. Entre les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni, plus de 2 000 noms ont été recensés et font l’objet de diverses sanctions. Mais comme l’a démontré une enquête récente de la Cellule Investigation de Radio France, les régimes de sanctions sont un peu troublants. Les Occidentaux s’attaquent au plus voyant comme les villas et les yachts qui font l’objet de saisies ou d’immobilisation. On l’a vu avec le yacht d’Igor Setchine à La Ciotat en France ou celui du richissime Alicher Ousmanov à Hambourg en Allemagne. Leurs biens privés sont donc visés. En revanche, leurs sociétés sont souvent épargnées, peut-être par crainte des effets en chaine sur certains marchés, comme ceux du fer ou de l’aluminium. Et puis, il y a évidemment tous les cas de contournement ou de fuite : capitaux déplacés dans des paradis fiscaux, exil vers le Golfe persique, en particulier les Émirats Arabes Unis, devenus le refuge favori des oligarques.  

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