Israël : Benyamin Nétanyahou va interdire la diffusion d’Al Jazeera, qu'il qualifie de "terroriste"

En Israël, le Parlement a ratifié lundi une loi visant à interdire la diffusion de "programmes étrangers portant atteinte à la sécurité de l'État". Aussitôt, le Premier ministre a annoncé vouloir "agir immédiatement" pour arrêter la retransmission de la chaîne qatarie Al Jazeera.
Article rédigé par franceinfo, Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Benjamin Netanyahou, le 7 janvier 2024. (RONEN ZVULUN / POOL / REUTERS POOL)

Alors que la chaîne de télévision qatarie se dit victime d’une "campagne frénétique", Benyamin Nétanyahou accuse également Al Jazeera de "nuire à la sécurité d’Israël", d’avoir "activement participé" aux attaques du 7-Octobre. La chaîne qatarie ne voit dans ses déclarations que des "mensonges, dangereux et ridicules".

Il est important de rappeler ici, que hormis les correspondants gazaouis travaillant pour des médias locaux, les journalistes d’Al Jazeera sont les seuls à travailler sur place, à l’intérieur de la bande de Gaza. Pour tous les autres, anglais, américains, français, etc, l’accès ne se fait qu’à travers des "tours de presse", des incursions courtes supervisées par l’armée israélienne. Ce qui, en soit, pose un problème. Interdire la diffusion d’Al Jazeera signifie donc interdire le seul travail journalistique de terrain effectué dans la bande de Gaza. La porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, a aussitôt pris ses distances, lundi 1er avril, avec l’initiative du parlement israélien : "Ce genre de décision nous inquiète. La liberté de la presse est cruciale. Les États-Unis soutiennent ce travail crucial partout dans le monde, y compris celui de ceux qui font état du conflit dans Gaza."

Les arguments du gouvernement israélien

Sur le terrain, certaines équipes de la chaîne en question ont certes commis des erreurs, comme la diffusion la semaine dernière du faux témoignage d’une femme gazaouie accusant les soldats israéliens de viols à l’intérieur de l’hôpital al-Chifa. Après enquête, la direction d’Al Jazeera a supprimé ce témoignage et reconnu cette faute journalistique, mais cet incident a peut-être fini de convaincre la Knesset de voter cette interdiction.

Cependant, la suppression du canal Al Jazeera est étudiée depuis plusieurs mois déjà et les tensions entre Israël et Al Jazeera durent même depuis des années. En 2017, la Knesset cherchait déjà le moyen de priver d’accréditation les journalistes de la chaîne. En 2022, la star de l’antenne, Shireen Abou Aqli, est tuée en Cisjordanie par des tirs en provenance des positions israéliennes. Et en janvier dernier, une frappe cible la voiture de deux journalistes d’Al Jazeera, "deux agents terroristes", avait affirmé Tel-Aviv pour justifier ce tir de missile.

Benyamin Nétanyahu accuse la chaîne d’être un organe de propagande du Hamas. Al Jazeera est financée par un fonds privé lié au Qatar, où sont hébergés les responsables politiques du Hamas. Depuis sa création, la rédaction en arabe d’Al Jazeera est critiquée pour sa ligne éditoriale clivante, y compris dans des pays comme l’Égypte ou le Bangladesh, et dans sa couverture du conflit à Gaza, son parti pris est évident. Mais interdire sa diffusion serait inédit, et ce serait un nouveau signal de repli de la part d’un pays se présentant depuis toujours comme le seul état démocratique de la région.

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