En Libye, les gros bras sur les rangs en vue de l'élection présidentielle
En l’espace de 48 heures, deux figures controversées sont sorties du bois pour annoncer leur candidature à l’élection présidentielle prévue le 24 décembre. Et ça n’est pas de bon augure en vue du scrutin.
Les deux candidats à l'élection présidentielle libyenne, prévue le 24 décembre, qui se sont déclarés en 48 heures, renvoient un petit parfum de nostalgie de la dictature dans ce pays de sept millions d'habitants ravagé par la guerre civile depuis dix ans et la chute du colonel Kadhafi.
Le dernier en date à entrer dans la danse est le maréchal Haftar, l’homme fort de la partie est du pays, la Cyrénaïque. Deux ans après avoir échoué à conquérir le pouvoir par les armes, Khalifa Haftar, âgé de 77 ans, s’est donc déclaré candidat ce 16 novembre au matin, dans un discours retransmis à la télévision où il affirmait vouloir "conduire le peuple libyen vers la gloire et la prospérité". Beaucoup lui prêtent l’intention de vouloir rétablir une dictature militaire.
Cette annonce intervient moins de 48h après celle, encore plus controversée, de Saif al Islam Kadhafi, l’un des fils du colonel déchu et tué en 2011 après l’intervention internationale pilotée par la France. Saif al Islam, 49 ans, est sorti du bois dimanche, lors d’une annonce effectuée depuis sa résidence surveillée de Zinten, dans le sud du pays. Alors même qu’il a été condamné à mort il y a six ans et qu’il reste sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour "crimes contre l’humanité". Là encore, cela sent le retour des hommes de l’ancien système.
De multiples rivalités
La liste des candidats ne va pas s’arrêter là : on attend notamment le chef de l’actuel gouvernement intérimaire, Abdlehamid Dbeibah, et le président du Conseil présidentiel, Mohammed al Menfi. Autant d’hommes en forte rivalité et surtout autant d’hommes qui sont les incarnations d’instances politiques concurrentielles et qui ne se reconnaissent pas les unes les autres.
Par exemple, le Haut Conseil d’Etat basé à Tripoli, à l’ouest, ne veut pas entendre parler de la Chambre des représentants basée à Benghazi, à l’est. C’est d’ailleurs précisément ce chaos institutionnel qui peut favoriser les candidatures d’hommes forts, susceptibles d’apparaître comme des recours dans un pays rongé par le désenchantement et la corruption.
Risques de boycott et de fraude
L’organisation de ce scrutin s’annonce donc très compliquée et la conférence internationale sur le sujet organisée par la France vendredi 12 novembre n’a pas levé les incertitudes. On ne sait toujours pas si ce scrutin présidentiel s’accompagnera d’élections législatives, pas davantage quelle sera la répartition institutionnelle des pouvoirs après le vote. Quant à l’organisation pratique du scrutin, elle pourrait relever de la mission impossible : comment empêcher la fraude, vérifier les listes électorales, éviter les blocages des bureaux de vote. Les puissantes milices de la ville de Misrata ont déjà annoncé leur intention de boycotter le scrutin, en opposition à la candidature du fils Kadhafi.
Pour ne rien arranger, les puissances étrangères continuent de jouer les marionnettistes. L’Egypte et les Emirats soutiennent le maréchal Haftar, la Russie est soupçonnée de pousser la candidature du fils Kadhafi. Et la Turquie va forcément appuyer un autre candidat. À un peu plus d’un mois du scrutin, voilà une élection bien mal embarquée. En fait, la Libye reste fondamentalement divisée en structures tribales et miliciennes, incompatibles avec la notion même d’Etat central.
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