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Djibouti : une élection présidentielle sur fond de tutelle chinoise

Dans ce petit territoire et ancienne colonie française, en Afrique de l’Est, le président Guelleh part grand favori pour un cinquième mandat. Son quatrième, qui s’achève, a été marqué par une présence croissante de la Chine.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une femme vote pour l'élection présidentielle à Djibouti, le 9 avril 2021. (TONY KARUMBA / AFP)

C'est jour d'élection présidentielle à Djibouti, vendredi 9 avril. Ce pays est un confetti : à peine un million d’habitants, sur un territoire de 23 000 kilomètres carrés, même pas la taille d’une région française. Mais c’est un confetti qui compte en raison de sa position stratégique : c’est le point d’entrée de la mer Rouge, à l’extrémité est de l’Afrique, en face du Yémen et du Golfe Persique. L'événement de ces cinq dernières années, c’est l’installation d’une base militaire chinoise, en août 2017.

Ce sont 400 hommes installés tout près des autres bases étrangères préexistantes : américaine, japonaise, française. C’est en fait la seule base militaire chinoise permanente en dehors du territoire chinois. Un emblème, une porte d’entrée pour Pékin sur le continent africain. Au cours de son dernier mandat, Omar Guelleh, en partie pour se débarrasser de l’ancienne tutelle française, a vraiment fait le choix de la Chine.

Des milliards d'investissements chinois

La Chine a investi en moins de dix ans entre 12 et 14 milliards de dollars à Djibouti. Avec des investissements spectaculaires : la construction du port de Doraleh, de la ligne de chemin de fer entre Djibouti et Addis Abeba, capitale de la grande Ethiopie voisine au Sud, construction également d’un oléoduc vers l’Éthiopie, mise en place d’une zone franche commerciale à Djibouti et financement de stades, de routes, d’établissements scolaires.

L’intérêt de la Chine est encore plus commercial que militaire : Pékin regarde Djibouti comme une tête de pont vers les pays voisins, en particulier l’Éthiopie et ses 110 millions d’habitants. De son côté, le président Guelleh rêve de faire de son pays un Dubaï ou Singapour version africaine. Il voit dans les subsides de la Chine un moyen de sauver la paix sociale par la stabilité économique. Il a désormais pour ambition de développer les projets numériques et de haute technologie. Sans ces financements, la contestation serait sans doute plus forte, puisque Guelleh a progressivement basculé dans l’autoritarisme, avec l'arrestation d'opposants et la répression des manifestations. D’ailleurs, l’opposition boycotte le scrutin d’aujourd’hui. Guelleh, au pouvoir depuis 22 ans, est donc assuré de faire un cinquième mandat.

Une pauvreté persistante

Mais cette omniprésence chinoise commence à poser problème. Aujourd’hui, la Chine détient 70% de la dette du pays. Djibouti est donc pieds et poings liés et peut se retrouver incapable de rembourser. Auquel cas les entreprises chinoises seront en situation de prendre le contrôle d’une partie du pays, comme on a pu déjà le voir ailleurs, en Grèce ou au Sri Lanka.

La dépendance tend aussi à devenir politique : Djibouti s’aligne de plus en plus sur les choix diplomatiques de Pékin. Les bénéfices économiques sont faibles pour la population : un habitant sur quatre vit toujours sous le seuil de pauvreté, le chômage est élevé chez les jeunes. Les grands projets d’infrastructure n’ont créé que peu d’emplois pour la population locale. Djibouti, c’est vraiment un appartement témoin de ces "nouvelles routes de la soie". Où la Chine arrive au départ comme un sauveur financier et peut finir par devenir un allié encombrant.

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