Allemagne : des agriculteurs mènent des actions de plus en plus violentes contre la politique verte du gouvernement

Une trentaine de manifestants ont empêché un ferry d’accoster jeudi, à bord duquel se trouvait le ministre de l’Économie. La colère de ces agriculteurs allemands illustre les difficultés à concilier politique environnementale et politique agricole et alimente les chances électorales de l'opposition.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le 4 janvier 2024, des agriculteurs avec des tracteurs se sont rendus sur un quai de ferry pour empêcher le vice-chancelier Robert Habeck de débarquer, à Schlüttsiel dans le Schleswig-Holstein. (HAGEN WOHLFAHRT / SCHLESWIG-HOLSTEINISCHER ZEITUNG)

Après le blocage de son ferry jeudi 4 janvier, Robert Habeck, ministre allemand de l'Économie, a finalement pu rejoindre la terre ferme, mais reconnaît "que l’ambiance s’échauffe dans le pays". Cette nouvelle action médiatique des agriculteurs allemands a pour origine la remise en question de leurs avantages fiscaux sur l’achat de carburant. Pourtant le gouvernement traite ce thème avec beaucoup de précautions. La fin des subventions sur le gazole agricole fait partie des mesures de la politique verte, que tente d’encourager aujourd’hui l’Allemagne. Robert Habeck, ministre de l’Économie et membre du parti des Verts, y est évidemment favorable.

Devant la colère des agriculteurs qui monte depuis des semaines, le gouvernement avait finalement renoncé le jour même à couper brutalement ces avantages fiscaux, tout en proposant de les supprimer progressivement d’ici 2026. Certains d’entre eux ont donc réagi fermement, presque violemment, comme avec Robert Habeck. Ils s’en sont pris aussi directement à Olaf Sholz, lors d’une visite de terrain du chancelier ce même jeudi après-midi.

Une semaine de mobilisation en prévision

Leurs actions, de plus en plus déterminées, sont condamnées par une grande partie de la classe politique et même par le principal syndicat agricole allemand. Celui-ci ne renonce pas toutefois à soutenir la semaine de mobilisation prévue tout au long de la semaine prochaine sur le territoire allemand.

La tension dure depuis des semaines, tout le monde garde en mémoire le spectaculaire défilé de tracteurs dans les rues de Berlin au mois de décembre dernier. Entre 8 000 et 10 000 agriculteurs étaient déjà vent debout, comme cette représentante syndicale, interrogée par une chaîne de télévision publique allemande : "Ce gouvernement n’a aucune estime pour les paysans, et pour l’agriculture en général. Pourtant, c’est nous qui faisons vivre la terre. On ne peut pas nous mépriser ainsi !"

Un point de convergence de ce syndicat agricole avec l’opposition allemande. Dans le même cortège, cette parlementaire conservatrice de la CSU, Michaela Kaniber, fustigeait cette suppression d'avantages fiscaux sur le carburant agricole : "Cela signifie que l’alimentation va devenir plus chère. Et notre grande crainte, c’est que les consommateurs se tournent vers des produits bon marché venus de l’étranger. Conséquence : toute la filière agricole allemande risque de s’affaiblir."

Conséquences du Pacte vert européen

Aux yeux des conservateurs et d’une grande partie des agriculteurs, l’équation environnement-agriculture est impossible sans porter atteinte à la compétitivité du secteur. Divergences que l’on retrouve d’ailleurs au niveau européen. C’est l’un des sujets qui préoccupent les défenseurs de l’ambitieux Green Deal voulu par la présidente allemande de la Commission Ursula Von Der Leyen.

Ce Pacte vert dont les textes essentiels sont parfois considérés comme trop punitifs. La droite conservatrice et l’extrême droite s’opposent à ces mesures. Pour ces courants politiques, à quelques mois des élections européennes, cette colère est aujourd’hui un terrain fertile sur le plan électoral. Les Pays-Bas l’ont constaté en novembre dernier avec l’émergence du Mouvement agriculteur-citoyen, devenu compatible avec Geert Wilders, le leader du mouvement d’extrême droite.

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