Voitures électriques : un grand pessimisme étreint les constructeurs en Allemagne et aux États-Unis

Alors qu'en France, les constructeurs de voitures électriques se réjouissent d'un record de ventes, les entreprises allemandes font grise mine face à la concurrence et les automobilistes américains peinent à sauter le pas. Nos correspondants décrivent la situation sur place.
Article rédigé par franceinfo - Loïg Loury, David Philippot
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Publié Mis à jour
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Les constructeurs font face à des coûts élevés et à une concurrence de qualité qui arrive notamment de Chine (photo d'illustration). (PATRICK T. FALLON / AFP)

Qu’elles soient totalement électrique ou simplement hybride, une voiture sur quatre vendue en France en 2023 se branche sur une prise : c’est un record, selon les chiffres publiés lundi 1er janvier par la Plateforme automobile (PFA), qui représente la filière automobile française.

Aux États-Unis, c’est un palier symbolique qui a été franchi en 2023 avec un million de véhicules 100% électriques vendus. Ce n’est pourtant pas une si bonne nouvelle, si on prend du recul. En effet, les ventes de véhicules entièrement électriques avaient doublé pendant deux années de suite, mais en 2023, la hausse se situe entre 25 et 30%. En d’autres termes, le marché est en train d’atteindre un plateau, malgré un contexte favorable en apparence.

Les Américains restent hésitants malgré le plan Biden

Le grand plan du président américain Joe Biden pour l’environnement est très largement dédié à la voiture électrique. En plus des investissements dans le réseau de bornes de recharge, d’importantes incitations financières ont été mises en place à l’achat d’un véhicule électrique (à condition que celui-ci soit "made in USA"). L'autre bon point est que le prix de ces véhicules a baissé à 50 000 dollars en moyenne, alors qu'il était de 65 000 dollars en 2022. Mais ces conditions n'ont pas suffi. Au total, les ventes d’électriques et hybrides représentent moins de 18% du marché. Le pays est donc à la traîne par rapport à l’Europe ou à la Chine.

Les ambitions de Joe Biden sont néanmoins élevées : il souhaite que le secteur représente 50% du marché automobile américain d’ici 2030. Le prix de ces voitures, malgré la baisse, reste très prohibitif pour les Américains. Il s'explique par la taille des voitures vendues outre-Atlantique, où l’on est très attaché aux gros pick-up. Des engins plus verts, mais toujours aussi énormes, c’est le paradoxe et l’impasse du marché automobile américain.

L'autre point à améliorer est la force des habitudes, au pays de la voiture reine. Près de 60% des Américains affirment que leur prochain véhicule ne sera sans doute pas électrique. Les trois quarts de la population s’inquiètent du manque de bornes de recharge et de la durée d’autonomie des batteries, selon des sondages menés par Ipsos. Résultat : les voitures électriques s’entassent sur les parkings des constructeurs. Les inventaires ont grandi de plus de 500% depuis un an, les véhicules électriques sont stockés 82 jours en moyenne, contre 64 pour leurs équivalents diesel ou essence. Il faut encore attendre pour la révolution voulue par Joe Biden…

L'Allemagne est très pessimiste pour son industrie mise à mal par la concurrence

Le pessimisme sur l’avenir de la production de voitures électriques se fait aussi très nettement sentir en Allemagne, premier pays producteur de véhicules en Europe. L’année 2024 s’annonce comme celle de "l’incertitude", c’est le terme employé dans le communiqué publié mardi matin par la Fédération des constructeurs. Ils se plaignent de rouler dans un brouillard épais depuis que le gouvernement a décidé, fin 2023, du jour au lendemain, de stopper le versement du bonus écologique. L’arrêt de ce coup de pouce, qui pouvait aller jusqu’à 4 500 euros, plombe les chances de l’Allemagne de réussir l'objectif qu'elle s'était fixé : 15 millions de voitures électriques sur ses routes d’ici 2030.

Le coup de frein sur les ventes s’était déjà fait sentir au deuxième semestre 2023. De plus, le marché se réduit, car les constructeurs allemands, déjà distancés par Tesla, redoutent maintenant de se faire doubler par les constructeurs asiatiques à bas coûts, notamment chinois.

La transition vers la voiture électrique entraîne des milliers de licenciements

Il est reconnu que la construction d’une voiture électrique nécessite moins de personnel. Donc la transition s'accompagne structurellement de casse sociale. Constructeurs et sous-traitants licencient à tour de bras. Volkswagen, 2e constructeur mondial, va faire baisser sa masse salariale de 20% ces prochaines années. Des milliers de suppressions de postes sont également prévues chez Bosch, Continental ou ZF, le fabricant de boîtes de vitesses. Et comme les coûts de production (énergie et matières premières) flambent, la production de véhicules n’a jamais été aussi basse dans le pays. Trois millions et demi seulement en 2023, c’est deux millions de moins qu’il y a 10 ans.

Ces difficultés, qui affectent tous les constructeurs occidentaux, touchent davantage encore le premier pays européen de l’automobile. Les Allemands subissent une forte concurrence sur leur cœur de cible : le segment des "voitures premium". Les experts prédisent que les voitures chinoises haut de gamme seront d’une qualité équivalente d’ici cinq ans, et bien moins chères. Les Allemands veulent maintenant produire en urgence des petits modèles, des voitures à 25 000 euros pour les petits budgets. Une coopération industrielle entre Volkswagen et Renault est évoquée sans être confirmée.

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