Au Liban, le syndrome Carlos Ghosn
La justice libanaise vient de confisquer, mercredi 24 mai, les passeports de Riad Salamé, le gouverneur de la banque centrale, et lui a interdit de quitter le pays, alors qu'il est visé par un mandat d'arrêt par la France. Le grand argentier est au cœur de l'effondrement économique du Liban.
Riad Salamé est celui qui a mis au point le moteur financier du Liban quand il a été nommé gouverneur en 1993. Au début, il a été encensé parce qu'il a permis au pays de se reconstruire après la guerre civile (1975-1990) mais depuis 2019 et la descente aux enfers du Liban, il est devenu la bête noire des Libanais, qui l'accusent de les avoir ruinés, en pratiquant une politique d'argent facile. Une ingénierie financière comparable à une "pyramide de Ponzi" qui a finalement éclaté, empêchant les épargnants d'avoir accès à leurs comptes bancaires tandis que la monnaie nationale a perdu 98% de sa valeur !
Rouage clé du système clientéliste, Riad Salamé est accusé d'avoir couvert pendant des années une corruption généralisée au sein de la classe politique, dont il connaît tous les petits et grands secrets. Longtemps intouchable, ce gardien des intérêts de l'oligarchie libanaise est aujourd'hui, à 73 ans, dans la tourmente : il est soupçonné d'avoir détourné frauduleusement pas moins de 500 millions d'euros depuis les comptes de la banque centrale vers des paradis fiscaux, via des sociétés écrans qui ont recyclé ces fonds dans l'immobilier et divers placements.
Riad Salamé nie toutes ces accusations en bloc. Mais il faut savoir que l'année dernière, la France, le Luxembourg et l'Allemagne ont déjà gelé 120 millions d'euros de ses avoirs.
Un "nouveau Carlos Ghosn"
Comme l'ex patron de Renault-Nissan, le gouverneur de la Banque centrale, qui a la nationalité française, est visé par une notice rouge d'Interpol. Il n'a donc pas intérêt à mettre le nez dehors !
Son interdiction de voyager à l'étranger, décidée par un juge à Beyrouth, peut être considérée une forme de protection, car le Liban n'extrade pas ses ressortissants.
Pour autant, ses ennuis judiciaires ne sont pas terminés. Loin s’en faut. Alors que son mandat à la tête de la banque centrale s'achève en juillet prochain, les investigations en Europe mais aussi aux États-Unis sur son patrimoine se poursuivent. Une nouvelle période s'ouvre donc pour lui : à l'image de Carlos Ghosn, reclut au Liban, il devra désormais vivre en permanence avec une épée de Damoclès judiciaire au-dessus de la tête !
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