: Reportage "L’Aïd devrait être un moment de joie, mais on est malheureux" : au Liban, la fin du ramadan gâchée par la crise économique
Les ruelles étroites du quartier de Basta, à Beyrouth, ont des airs de fête. Les scooters se faufilent entre les dizaines de passants qui admirent les vitrines. Partout des guirlandes multicolores clignotent mais très peu de personnes entrent dans les magasins. L'Aïd el Fitr qui célèbre la fin d'un mois de jeûne est l'occasion pour les Libanais de se retrouver en famille autour d’un grand repas et de s’offrir des cadeaux. Mais en cette veille de festivité, l'ambiance est gâchée par une crise économique sans fin et une inflation record.
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"Ici, on est dans un quartier populaire, il n’y a que des pauvres. Pour eux, Tout est devenu hors de prix, déplore Zeina qui tient une petite épicerie. Par exemple, le cumin qu’on met tous les jours dans la soupe du ramadan, maintenant, ça coûte l’équivalent de 8,50 euros le kilo. Donc les clients n’en achètent qu’un tout petit sachet".
"Je vends beaucoup moins de sucreries aussi. Avec la dévaluation, leur prix a été multiplié par 30 en trois ans".
Zeina, commerçante de Beyrouthà franceinfo
Une mère de quatre enfants confie à franceinfo être elle aussi contrainte de se serrer la ceinture : "Avant pour l’Aïd, on donnait cinq euros à chaque enfant, c’est une tradition. Mais maintenant, on leur donne quelques centimes, pour le symbole, qu’ils aient quand même un petit cadeau".
"Que voulez-vous qu'on fête ?"
Dans la boucherie de Hassan juste en face, les clients ne se bousculent pas non plus. La viande est devenue un luxe et le commerçant a perdu un quart de sa clientèle : "Depuis 2019, chaque année, c’est de pire en pire. Mais on doit continuer de faire tourner la boutique pour payer l’université de mes enfants". Ce jeudi soir, Hassan retrouvera sa famille dans le sud du Liban pour célébrer l’Aïd. "Je vais aller passer deux jours au village. On va se retrouver en famille, discuter des choses de la vie, explique-t-il. Et surtout, ne pas parler de politique !"
Au dernier étage d’un immeuble délabré, la famille Darwish s’entasse dans un minuscule appartement. Pour Khadija, son mari et leurs cinq enfants, le dîner de ce soir ne sera pas un repas de fête : "L’Aïd, ça devrait être un moment de joie, mais on est malheureux. Avec la dévaluation, le salaire de mon mari ne vaut plus que 50 euros par moi. Que voulez-vous qu’on fête ?" Cette fête rituelle sera peut-être la dernière que Khadija passera avec ses enfants au Liban. Tous cherchent un moyen de quitter leur pays.
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