Au cœur des "wargames", l’art d’imaginer les batailles militaires à venir
Non, rien de nouveau : les jeux de guerre sont pratiqués dans les États-majors de toutes les armées du monde, et depuis le XIXe siècle. C'est l'armée prussienne de Bismarck qui en a usé en premier en effet et ça lui a plutôt bien réussi, en écrasant les troupes françaises lors de la guerre de 1870. Concrètement, les "wargames" figurent de la manière la plus réaliste possible, sur une carte, les unités participant à une bataille, voire à toute une guerre, et opèrent leurs manœuvres et affrontements à coup de dés.
>> L'avion de combat de 6e génération, beaucoup plus qu’un avion… et beaucoup plus cher
Ceux-ci reproduisent les aléas du combat et ce que l'on appelle "le brouillard de la guerre". D'ordinaire, les officiers s'entraînent ainsi à préparer une manœuvre tactique plus ou moins importante qu'ils devront ensuite répéter sur le terrain. L'armée ukrainienne a ainsi "joué", plusieurs de ses offensives au sein de l'Operational Wargame System du corps des Marines américain, avant de les lancer.
Des attaques dans le monde virtuel
Certains vont bien au-delà de la prochaine bataille. Depuis 2018, le ministère des Armées français imagine, avec des auteurs de fiction et notamment de science-fiction, quelques scénarios sur le long terme : il s'agit du projet "Red Team Defense". Celui-ci envisage, par exemple, une opération d'exfiltration de Français retenus dans une sorte de monde parallèle basé sur des réseaux sociaux, ou l'attaque du centre de lancement de Kourou par l'armée d'un proto-Etat pirate établi sur les mers...
On est là loin des opérations militaires : ces scénarios imaginent des situations et des menaces telles qu'elles pourraient être d'ici 20 ou 30 ans. Ils ne préparent donc pas la bataille de demain, mais dans les États-majors, c'est tout de même très différent.
Et la bataille à venir qui semble la plus souvent jouée, c'est l'invasion de Taïwan par la Chine. Bien sûr, on en entend rarement parler : toutes les informations mises en jeu dans ces "wargames", depuis le nombre d'unités jusqu'aux tactiques de combat en passant par les capacités réelles de chaque matériel, reposent sur du renseignement militaire et sont donc hautement classifiées.
L'invasion de Taïwan par la Chine simulée
Mais le CSIS, le Center for Strategic & International Studies, le think tank américain bien connu, s'est essayé au début de l'année 2023 à monter un "wargame" autour d'une invasion de Taïwan par la Chine... d'ici 2026 avec, à sa disposition, les seules informations disponibles en sources ouvertes. Au total, ce sont 24 scénarios différents qui ont été joués chacun pendant trois jours et demi. Et petite surprise : dans 23 des 24 scénarios, l'Armée Populaire Chinoise se cassait les dents sur Taïwan, ne parvenant à prendre l'île en totalité que dans un seul cas, celui où personne, ni les Etats-Unis ni le Japon n'intervenaient d'une manière ou d'une autre dans le conflit...
Réponse du berger à la bergère, le 20 mai dernier, l'université Chinoise du Nord publiait le résultat d'un autre "wargame", qui aurait été joué les semaines précédentes et qui mettait aux prises les défenses côtières chinoises avec un groupe aéronaval américain et ses six bâtiments... Résultat : cinq des six bâtiments US, dont le porte-avions USS Gerald Ford, avaient été coulé par 24 missiles chinois hypersoniques tirés depuis le continent...
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.