Au Canada, la validation d'un énorme projet pétrolier déclenche une vive controverse environnementale
Le gouvernement de Justin Trudeau est très critiqué après avoir donné son feu vert à un méga projet d’extraction au large de Terre Neuve. Le forage de ces 60 puits paraît très contradictoire avec la lutte contre le réchauffement climatique.
La décision avait été reportée plusieurs fois ces derniers mois, signe de l’embarras du gouvernement canadien sur le sujet. Il a finalement tranché mercredi 6 avril, dans la soirée. Verdict : le projet pétrolier offshore gigantesque va bien voir le jour. Il s’agit d’exploiter un gisement baptisé Bay du Nord, situé à 1000 mètres de profondeur, à 470 km au large de Terre Neuve dans l’Atlantique.
Des créations d'emplois mises en avant
La compagnie pétrolière norvégienne Equinor, à l’origine du projet, entend forer 60 puits au total, le tout à partir non pas d’une plate-forme comme on en voit en Mer du Nord, mais d’un énorme bateau. Le gisement est appelé à devenir la 5e plateforme du Canada par la taille, avec un objectif de 200 000 barils de pétrole par jour à partir de 2023. Au total, plus de 300 millions de barils semblent récupérables.
Le gouvernement canadien justifie sa décision en soulignant que ce gisement va créer 16 000 emplois à Terre Neuve, une région touchée par un chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Il ajoute que les revenus fiscaux dépasseront les 10 milliards de dollars. Et que l’indépendance énergétique est un enjeu clé à l’heure de la guerre en Ukraine et du conflit économique avec la Russie.
Une contradiction forte avec les engagements climatiques
Cette décision apparaît donc totalement contradictoire avec les engagements climatiques du pays. Elle intervient de plus 48h après le nouveau rapport des scientifiques du GIEC, qui fixe un ultimatum de trois ans pour inverser la tendance sur les énergies fossiles. Après il sera, selon eux, trop tard pour le climat. Choisir ce moment pour déclencher un nouveau projet massif d’exploitation pétrolière peut surprendre.
D’autant que pendant la dernière campagne électorale, Justin Trudeau avait brandi un engagement fort sur le climat en affirmant : "Il faut s’assurer que l’industrie pétrolière et gazière commence à réduire ses émissions". Et puis la zone marine concernée possède un écosystème assez rare : 14 espèces de mammifères marins, 15 espèces d’oiseaux menacées. Les associations et les partis écologistes ou de gauche sont furieux au Canada. Ils qualifient la décision de "catastrophe irresponsable" et de "gifle au visage des scientifiques du climat".
L'argument du "pétrole responsable"
Le gouvernement canadien répond que le cahier des charges environnemental imposé à Equinor est très strict: 137 clauses. À la fois sur la protection de la biodiversité : limitation de la pollution sonore et garanties sur les habitats des poissons. Et aussi sur la pollution liée à l’extraction : les émissions sont censées être limitées à 8 kg de CO2 par baril, soit deux fois moins que la moyenne internationale.
Le ministre de l’Environnement canadien n’hésite pas en conclure que ce sera un "projet de pétrole responsable" en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le raisonnement passe très mal auprès des spécialistes du climat. Ils soulignent que même si l’extraction est "responsable", la combustion du pétrole reste polluante en bout de chaîne. Le Canada est l’un des plus mauvais élèves de la planète sur le plan des engagements climatiques. C’est le 4e producteur mondial d’hydrocarbures. Il y a quelques semaines, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres l’avait d’ailleurs rappelé à l’ordre, en lui demandant de ralentir sur les énergies fossiles. Le message n’a pas été entendu.
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