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Toute dernière fois. La dernière fois où le France a traversé l'Atlantique se termine dans une ambiance de mutinerie

Tout l'été, nous revenons sur ces moments où l'histoire s'achève. Le 11 septembre 1974, le paquebot France termine sa 377e et dernière traversée de l'Atlantique.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le paquebot France. (JOHN DOBIE / HULTON ARCHIVE)

Une ambiance de mutinerie. Le sublime paquebot France achève une nouvelle traversée de l’Atlantique. Il a quitté New-York une semaine plus tôt et approche des côtes du Havre. Là même où douze ans plus tôt, le 19 janvier 1962, le France avait entamé son voyage inaugural, avec à son bord Yvonne de Gaulle, marraine du navire mais aussi Philippe de Gaulle, son fils, ou encore Tino Rossi. L’ambiance est moins festive en ce 11 septembre 1974 : Un journaliste : "Des marins CGT et CFDT durcissent le mouvement. Leurs syndicats lancent un appel à la grève. Ils demandent à leurs adhérents de cesser le travail pour 48 heures à partir de lundi. Ils menacent également d'arrêter tous les bateaux si le gouvernement refuse de satisfaire leurs revendications, notamment de maintenir le France en service. Pour l'instant le paquebot se trouve toujours à quatre kilomètres de la ville du Havre. Les 989 marins qui se trouvent à bord n'ont toujours pas pris de décision. Ils se sont contentés de laisser descendre à terre les 1 300 passagers, des passagers qui n'ont absolument pas souffert d'avoir été retenus pendant toute la nuit."

C’est la 377e et dernière traversée transatlantique du France. Le plus long paquebot du monde achevait dans une infinie tristesse une histoire bien trop courte. 

Un bijou de technologie qui était la fierté de la France

En mai 1960, à Saint-Nazaire, pour le lancement du paquebot, le général de Gaulle avait déclaré : "La cérémonie d'aujourd'hui ajoute à la fierté que nous avons de la France. Et maintenant que France s'en aille vers l'océan pour voguer et pour servir. Vive le France, vive la France !"


Un paquebot qui devait donc nourrir la puissance nationale et traduire l’excellence industrielle française, le France étant la première grande réalisation des Chantiers de l'Atlantique inaugurés cinq ans plus tôt. Mais il est aussi le symbole de la réussite de toute la France. Le gouvernail construit à La Ciotat ou les arbres d'hélice au Creusot. Mais dès 1965, pour la première fois, le paquebot coûte plus cher qu’il ne rapporte. Il est ensuite durement concurrencé par le Queen Elizabeth II en service en 1969. La crise pétrolière donne un coup de grâce au France. Le prix du pétrole s’envole et avec lui le déficit qui atteint 100 millions de francs. Et plus largement, après l’âge d’or des années 1950, le paquebot transatlantique est devenu un moyen de transport du passé. La mise en service du Boeing 747 en 1970 sonne le glas des transatlantiques.

Et Jacques Chirac enterra le France

En avril 1974, la mort de Pompidou retarde l’annonce de la fin du France, pourtant décidée. Et si pendant la campagne électorale, Valéry Giscard d’Estaing promet un avenir au paquebot, dès juillet, son premier ministre Jacques Chirac enterre le France.

Après la mutinerie du 11 septembre, le dernier voyage, une tournée d’adieu, prévu en octobre est annulée. La dernière chaudière est arrêté le 29 avril 1975. L’émotion est forte dans le pays. Une émotion captée par Michel Sardou, dont la chanson est, une fois n’est pas coutume, saluée par le PCF et la CGT.  500 000 disques sont écoulés en six mois :

Comble de l’ironie, le paquebot largement tué par la crise pétrolière est racheté par ceux qui en ont profité, un Saoudien en 1977 puis un armateur norvégien en 1979. Abandonné au début des années 2000, le France est détruit en Inde.

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