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Remaniement à Bercy : la stratégie du "diviser pour mieux régner"

Avec le remaniement, Bercy passe de 7 à 2 ministres de plein exercice : Michel Sapin aux Finances et Arnaud Montebourg à l'Economie. Ce tandem peut-il réellement fonctionner ? Souhaité par François Hollande et Manuel Valls, il répond à une stratégie bien précise.
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
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Il va leur falloir une sacrée dose de diplomatie pour
s'entendre. C'est l'eau et le feu désormais réunis sous le même toit. La
bonhomie de Michel Sapin face à la flamboyance d'Arnaud Montebourg
.

Le choix de Michel Sapin pour succéder à Bernard
Cazeneuve, parti au ministère de l'Intérieur, était le meilleur possible. C'est
pour lui un retour aux sources, 22 ans après le gouvernement Bérégovoy. Il
connaît son affaire.

Mais la présence d'Arnaud Montebourg dans la même maison
est une véritable gageure. En réalité, François Hollande et Manuel Valls ont
pris l'option du modèle allemand. Traditionnellement à Berlin, les postes de
l'Economie et des Finances sont occupés par des membres de partis différents,
voire adversaires
, en fonction du jeu des coalitions.

***Cela fonctionne bien, mais au prix d'une stricte

séparation des pouvoirs*

Chez nous, de nombreuses questions se posent : qui
va porter la voix de la France à Bruxelles ? On voit mal Arnaud
Montebourg, pourfendeur de la cause européenne, endosser ce rôle. La semaine
prochaine, lequel des deux va se déplacer pour participer aux assemblées de
printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington ?
Sans compter avec
les gros dossiers du moment : la lutte contre le chômage, le plan
d'économies de 50 milliards d'euros, la baisse des charges pour les
entreprises, le délicat dossier des télécoms.

Montebourg ayant regagné la confiance d'une partie des
industriels, on peut imaginer que lui reviendront les dossiers micro-économiques
pour laisser les dossiers macro à Michel Sapin.

***S'interroger sur le fonctionnement du nouveau Bercy,

c'est aussi jeter un regard beaucoup plus large sur le pilotage de l'économie
française*

Le jeu se complique avec l'intervention d'un
troisième homme : le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.
Quelques heures à peine après l'annonce du remaniement, nous avons assisté à
un premier couac autour du portefeuille du Commerce extérieur, autre
grosse composante de notre politique économique.

Le flou persiste. Ce poste est revendiqué à la fois par
Arnaud Montebourg et Laurent Fabius mais il semblerait que ce dernier l'emporte
finalement. En lui attribuant très probablement Fleur Pellerin comme secrétaire
d'Etat au Commerce extérieur, au Tourisme et aux Affaires européennes, François Hollande
confierait ainsi au Quai d'Orsay la gestion de la réduction du déficit
commercial de la France, permettant au passage à Laurent Fabius de déployer
enfin sa si chère diplomatie économique. Bien joué.

Tout cela a encore besoin d'être rodé

Nous voyons d'ores et déjà très bien les contours de la
machine de guerre mise en place par l'Elysée avec un gouvernement de combat,
comme François Hollande l'avait lui-même baptisé.

La gestion économique de la France, c'est, au fond, ce
qui ressort de ce remaniement
. L'économie qui s'est imposée comme l'alpha et
l'oméga de la politique gouvernementale ces dernières années, et plus encore
ces derniers mois.

Quant au couple Sapin / Montebourg dans la poudrière de
Bercy, cela ressemble fort à la stratégie du ''diviser pour mieux régner'' :
l'Elysée aura beau jeu de trancher les éventuels différents entre les deux hommes.

N'oublions pas que le paquebot Bercy, solidement amarré
sur la rive droite de la Seine, est la citadelle qui peut faire gagner ou
perdre la politique dictée par le chef de l'Etat, un Président qui n'a plus
droit à l'erreur.

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