L'Américain Yahoo! n'aidera pas le Français Dailymotion à se développer
Nous venons d'assister à un nouveau clash entre un groupe international et l'Etat français actionnaire. La scène ayant eu pour décor, le 12 avril dernier, le bureau du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Autour de la table : ledit ministre, le directeur financier de France Telecom-Orange, Gervais Pellissier, et le numéro 2 de Yahoo!, le francophone et francophile Henrique de Castro, venu proposer de reprendre pour 230 millions d'euros 75% du site de vidéos détenu par Orange. Le patron de l'opérateur français, Stephane Richard, et ses équipes, n'avaient pas ménagé leur peine pour trouver le bon prétendant.
Seulement voilà, France Telecom Orange est détenu à 27% par l'Etat et le ministre Arnaud Montebourg a signifié avec des mots très fermes, devant les principaux intéressés, qu'il ne laisserait pas partir Dailymotion dans des mains étrangères. Stephane Richard était proche d'un accord plus ''soft'' avec Yahoo mais les propos du ministre ont tout anéanti en l'espace de quelques minutes.
N'est-ce pas le rôle de l'Etat actionnaire d'imposer ses vues ?*
Le reproche que l'on fait souvent à l'Etat est de résonner en termes comptables et pas assez en termes stratégiques. Et puis encore une fois, l'Etat ne détient que 27% de l'opérateur télephonique. Une petite phrase lâchée ce matin dans Les Echos par son patron Stephane Richard en dit long sur les relations avec la tutelle : ''Dailymotion est une filiale d'Orange et non de l'Etat, dit-il... c'est le groupe, sa direction et son conseil d'administration qui gèrent ce dossier''.
La colère gronde également dans les couloirs du ministère des PME et de l'Economie numérique car la ministre Fleur Pèlerin s'était beaucoup investie dans ce dossier.
Dans l'absolu, c'est un véritable échec pour France Telecom ?
Sa filiale Dailymotion est une pépite (2 milliards et demi de vidéos visionnées par mois sur internet, 120 millions de visiteurs uniques), mais une pépite qui a besoin de grandir face à la concurrence, notamment celle de l'américain YouTube, filiale de Google. La vidéo en ligne génère aujourd'hui plus de recettes publicitaires que les contenus traditionnels. L'enjeu est crucial. Ce dont a besoin Dailymotion n'est pas tant de l'argent frais qu'un véritable adossement à un partenaire industriel stratégique. La piste Yahoo! est probablement enterrée pour un bon bout de temps. Elle aurait pourtant permis au français de renforcer sa présence à l'international, de développer les nouveaux usages de l'internet comme le télephone mobile et d'étoffer ses équipes, y compris en France.
Mais le risque de prise de contrôle de l'ensemble par Yahoo n'était-il pas réel ?
La jeune et ambitieuse patronne du groupe américain Marissa Meyer, 38 ans, a bien senti l'opportunité de se développer en Europe. A défaut d'un véritable rachat, l'accord visait un donnant-donnant : renforcement de Dailymotion aux Etats-Unis et celui de Yahoo! sur le Vieux Continent. Maintenant Yahoo! va chercher un nouveau partenaire... Arnaud Montebourg vient d'envoyer un mauvais signal aux investisseurs étrangers... Dailymotion en restera certainement la victime collatérale.
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