Chômage : y a-t-il une vérité des chiffres ?
En matière de statistiques, on est obligé de faire confiance aux experts. Jusqu’à présent, l’INSEE établissait les chiffres du chômage en combinant deux séries de données : les résultats d’un sondage, réalisé sur un échantillon de 75 000 personnes, et le nombre d’inscrits recensé chaque mois par l’ANPE. En janvier dernier, l’INSEE s’aperçoit que ce croisement devient incohérent notamment parce qu’il y a un écart de plus en plus grand entre ceux qui se déclarent chômeurs dans l’enquête et les chiffres des demandeurs d’emploi de l’ANPE, plus marqués à la baisse. En pleine campagne présidentielle, l’Institut de la statistique décide de suspendre la publication de chiffres et de revoir son mode de calcul. Du coup, on le soupçonne de vouloir masquer une hausse du chômage au moment où le gouvernement Villepin se targue de l’avoir ramené à son plus bas niveau depuis 25 ans. Mais au-delà de la polémique, l’INSEE améliore ses techniques d’enquête se cale sur les critères de mesure en vigueur en Europe. Résultat publié hier : le chômage a bien baissé, non pas depuis deux ans et demi, comme le laissait croire l’ANPE, mais depuis le début 2006, où on était à 9%. Avec 230 000 chômeurs en moins, ça nous ramène, non au niveau des années 80 mais à celui de 2003. Une baisse réelle donc, mais plus récente et moins forte que ne le laissait croire les chiffres exploitées pendant la période électorale.
Est-ce que ce nouveau mode de calcul va mettre fin définitivement aux polémiques sur le nombre de chômeurs en France ?
Certainement pas mais ça n’est pas le plus important. En économie, comme dans les sondages, aucun chiffre n’est le reflet exact de la réalité. Ce qu’il faut, c’est avoir une méthode identique partout, qui permette les comparaisons entre les pays et qui donne une vision cohérente des évolutions dans le temps. De ce point de vue, l’INSEE a fait le travail. Elle va encore perfectionner ses techniques, par exemple en doublant l’échantillon de Français interrogés dans son enquête Emploi. Mais l’essentiel, c’est la réalité qui est derrière les chiffres. Et elle traduit de toute façon la persistance en France d’un chômage de masse, plus élevé que la moyenne de l’Union européenne. Dans le détail, l’enquête montre que le chômage continue d’augmenter chez les jeunes et chez les plus de 50 ans. Surtout, il y a, à travers les CDD, les temps partiel ou les petits boulots instables, une montée de la précarité. Qui concerne au bas mot cette fois 6 millions de personnes.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.