Esprit de Flaubert, es-tu là ?
Ce matin l’autre info est à Bordeaux
C’est Sud Ouest qui raconte une histoire qui se passe dans le quartier des Bassins à flot, à Bacalan. Des travaux en cours viennent de faire remonter à la surface des tessons en faïences. Mais pas n’importe quelles faïences…
Racontez nous
Ces tessons en faïence au milieu des immeubles en construction sont sortis de terre à cause de la destruction d’un vieux bâtiment. En fait, là où un groupe scolaire doit être construit, la voirie s’est partiellement effondrée. C’est un chenal perpendiculaire à la Garonne et oublié depuis des lustres qui a cédé. Il a fallu conforter la construction. Mais avant ça un tas de remblai est apparu. Dans ce remblai, il y avait de la terre, mais aussi des milliers de tessons de faïence.
Venant d’où ?
Le chantier en cours se trouve là où s’élevait un moulin alimenté par un chenal. En 1834, un Irlandais, du nom de David Johnston, rachète ce moulin et le transforme en faïencerie. Son usine comptera plus de 700 employés et David Johnston deviendra plus tard maire de Bordeaux. Son affaire va péricliter. Il la cède en 1845 à son associé, Jules Vieillard qui la développera jusqu’à atteindre 1.400 employés. L’affaire disparaîtra en 1895. Mais elle a eu, entre temps, un visiteur illustre.
Qui ?
C’est cette manufacture que visite l’un de nos plus grands écrivains Gustave Flaubert, alors qu’il passe à Bordeaux. Il a alors une vingtaine d’années. Une industrie de la faïence qui tient justement une place centrale dans L’Éducation sentimentale roman publié en 1869.
Frédéric Moreau, le héros du roman qui ressemble beaucoup à Flaubert est un jeune bourgeois qui tombe amoureux fou de la belle Mme Arnoux. Et pour parvenir à la voir que va faire Frédéric ? Il va s’intéresser au mari de Mme Arnoux qui s’est établi dans une faïencerie à côté de Creil. Et pour décrire méticuleusement cette activité Flaubert s’inspire de sa visite de la manufacture de David Johnston, à Bordeaux. On peut donc rêver un peu et imaginer que certaines des porcelaines réapparues sur le chantier ont vu passer Flaubert. Mais la belle histoire finit tristement parce que les porcelaines remontées à la surface vont finir sous forme de remblai. Car au delà de leur valeur sentimentale et mémorielle, la faïence bordelaise du XIXe siècle n’a pas de valeur particulière. Vous vous doutez bien que je n’ai pas choisi cette histoire au hasard. Dans l’Éducation sentimentale , le héros, Frédéric, a un ami nommé Deslauriers qui désire avoir un journal politique à lui ; dans lequel il puisse écrire en toute liberté.
Alors, je veux finir ce matin en dédiant ce court extrait de L’éducation sentimentale à toute l’équipe de Charlie : « chaque déception nouvelle le rejetait plus fortement vers son vieux rêve : un journal où il pourrait s’étaler, se venger, cracher sa bile et ses idées ».
Longue vie Charlie !
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