Si j'étais... Jack Lang
À dix-neuf jours du premier tour de la présidentielle, Karl Zéro s'est imaginé dans la peau de Jack Lang, ancien ministre socialiste de la Culture.
Si j’étais Jack Lang, je me sentirais très injustement inutilisé dans cette campagne, comme mis au rencard. C’est lamentable, mais le fait est là : les médias me musèlent, se gardant bien de m’inviter, tant ma voix de poète leur fait peur ! Elle manque au débat, oui, et pourtant moi je n’ose intervenir, faute d’avoir apporté un soutien clair à l’un des candidats. Benoît Hamon n’ayant aucune chance, Emmanuel Macron me tentait bien, mais je me suis grillé comme une entrecôte lorsqu’il a démissionné, en le vilipendant un peu trop vite. Je pensais qu’Hollande se représenterait, du coup j’ai déconné, si vous me passez l’expression. J’ai dit : "Le fait qu'il ait trahi François Hollande et le gouvernement jette, par avance, la suspicion sur ce qu'il dira. S'il prend un engagement demain, on se dira : le tiendra-t-il ?" Après ça, peu de chance qu’il prenne comme engagement de me nommer à la tête d’un grand ministère d’État de la Culture, de la Jeunesse et de la méga-éclate. Alors, forcément tout Jack Lang que je suis, je végète un peu…
Certes, je viens d’être reconduit pour 30 ans en tant président de l’Institut du monde arabe. Seulement l’arabe, je ne le parle pas, ce qui rend ma mission parfois très fastidieuse. Heureusement, les jeunes continuent de m’aduler. J’en ai encore fourni la preuve pas plus tard que dimanche matin, vers 7h, en passant saluer, tout en promenant mon chien Nénette quai de la Rapée, les clubbers de la Concrete, cette fantastique after-party qui dure du samedi soir au lundi matin. J’ai énormément kiffé le DJ set de Ben Klock, car il a ravagé grave sa race, et après on a fait une tonne de selfies avec les jeunes ravers sous ecsta présents et encore debout.
La tournée des poètes
Si j’étais Jack Lang, je serais surpris par la tournure poétique que prend cette campagne. C’est très flatteur notez, car sans moi, sans mon Printemps des poètes, qui déclamerait encore des vers à pied dans notre pays ? Certainement pas nos candidats ! Même si je les trouve bien prudents dans leurs choix, comme Mélenchon, qu’on dit le plus cultivé de tous, et qui cite désormais volontiers La Boétie : "Ils ne sont puissants que parce que nous nous mettons à genoux"… Pas terrible, Jean-Luc ! Tu manques de souffle, de verve, de puissance, ou alors, c’est que tu es sous prozac ? Aragon te siérait bien mieux : "Camarades, descendez les flics ! Plus loin plus loin vers l’ouest où dorment les enfants riches et les putains de première classe ! Dépasse La Madeleine, Prolétariat ! Que ta fureur balaye l’Élysée !"
Marine Le Pen aussi s’y est mise, paraphrasant Chateaubriand : "Un siècle nouveau est né, mes amis, et il s'est mis en marche." Très prudent. Que n’a telle suivi les goûts de son père, qui cite toujours quelques strophes bien senties des Poèmes de Fresnes, de Robert Brasillach ?
Macron, lui, en voulant reprendre mon rôle, celui de mentor de la génération hip-hop, smurf, funky et rap, s’est fourvoyé en citant IAM dans le texte mais sans le texte, et du coup Pas nés sous la même étoile est devenu Nés sous la même étoile. Oubliant le "pas" il a commis un contre-sens qui lui aurait valu un zéro du temps où j’étais à l’Éducation nationale. En plus, IAM, c’est plus du tout hype, pourquoi pas Gérard Lenormand ? Non, le must aujourd’hui, c’est PNL. Que n’a-t-il plutôt cité leur hymne universaliste, Le Monde ou rien, qui pourtant colle si bien à son projet de mondialisme heureux ? "J'suis dans ma bulle, bulle, bulle Oh shit, le shit, le shit, bulle Sang sur l'pull, pull, pull, olala olala D’gage ton boule, boule, boule Oh shit, ton mal mon bien !"
Oui, ça arrache. Ça dégage les bronches. Ça raconte l’époque, t’as vu ou bien ?
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