Si j'étais... Bernard Cazeneuve
L'homme interpellé à Aulnay-sous-Bois jeudi dernier affirme avoir été violé et insulté par une équipe de policiers. Le Premier ministre se tient au courant de cette affaire qui fait scandale. Karl Zéro se met dans la peau de Bernard Cazeneuve.
Si j’étais Bernard Cazeneuve, je serais ce matin sur votre antenne pour vous expliquer, très simplement, pourquoi je n’ai pas réagi officiellement à l'arrestation violente de Théo à Aulnay-sous-Bois jeudi dernier. D’abord bien-sûr j’ai voulu laisser l’initiative à mon successeur à l’Intérieur, Bruno Le Roux. Et puis, personnellement, en tant que Premier ministre, j’étais très occupé.
Emploi du temps très très chargé
Jeudi 2 février, alors qu’à Aulnay-sous-Bois quatre fonctionnaires de police procédaient au contrôle de l’identité d’une dizaine de personnes, après avoir entendu les cris caractéristiques des guetteurs de points de vente de stupéfiants, j’étais personnellement au salon Euromaritime-Eurowaterways, porte de Versailles à Paris. J’y ai eu des mots qui me semblent importants, forts, rappelant à mes auditeurs : "Qu’un des premiers gestes de (mon prédécesseur) Colbert fut de faire planter des forêts de chênes destinées à construire des vaisseaux qui permettraient à notre pays de rivaliser sur les mers avec les flottes de l’Angleterre et des Pays-Bas".
Je ne pouvais évidemment pas me douter de ce qui se déroulait au même moment à Aulnay, d’autant que j’ai une confiance absolue dans la probité de nos forces de sécurité.
Un rapport laconique ne m’informera que tard le soir : "Des fonctionnaires ont procédé à l’interpellation d’un homme de 22 ans. Face à sa résistance, l’un des fonctionnaire a fait usage de sa matraque télescopique et porté des coups au niveau du haut des jambes de l’individu, afin de faire fléchir ses genoux. Le pantalon de la personne interpellée a glissé tout seul".
Après tout, me dis-je, pourquoi pas. Un bas de jogging un peu trop usé, l’élastique qui lâche, ça arrive. Je m’endors là-dessus.
Viol ou pas ?
Et le vendredi 3 février, je suis à Rouen, pour un discours célébrant l’enjeu de la Seine Maritime Normande. J’y ai eu des mots que je crois importants, forts : "Le rayonnement mondial du Grand Paris passe par l’affirmation de son ouverture maritime. La Seine était un lieu, elle est désormais un lien." Bien tourné, non ?
Ce qui tourne moins bien, c’est Bruno Le Roux, visiblement. Il m’appelle, il a un drôle de ton, la voix blanche. Il me dit : "Bernard, le jeune homme présente une section du sphincter anal et une lésion du canal anal de dix centimètres de profondeur. Soixante jours d’interruption totale de travail."
- "C’est un dealer ?" , je lui demande.
- "Euh …On vérifie", il me fait.
Samedi 4 février, je suis en week-end. Mais je réagis, bien-sûr, au décès du maire d’Omonville-la-Rogue, avec ces mots qui me semblent importants et forts : "Grande figure du Cotentin, Michel était un élu apprécié de tous et unanimement respecté pour son engagement au service de l'intérêt général."
Les habitants d’Aulnay, vêtus d'un tee-shirt blanc réclamant "justice", se rassemblent au pied de l'immeuble dans la cité des 3 000, où vit le jeune homme qui n’avait rien d’un dealer, en chantant la Marseillaise.
Et la députation dans tout ça ?
Dimanche 5 février, j’annonce dans La Manche que je ne me représenterai pas aux législatives, des mots importants et forts : "Les Cherbourgeois m’ont fait l’honneur de m’élire député de la Manche à trois reprises mais les mandats doivent tourner, la démocratie doit respirer." Le Roux respire aussi. Le parquet de Bobigny ne retient pas le viol, car il n’y a pas eu "volonté intentionnelle de pénétration".
Et lundi 6 février à 8 heures, Le Roux est dans mon bureau. Un juge d’instruction a mis en examen le policier à la matraque pour viol, et les trois autres pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, avec arme et en réunion. Je regarde Le Roux, il me regarde, on se regarde. Que vouliez vous que j’ajoute ?
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