Regard sur l'info. Et si on regardait notre futur autrement ?
Comme chaque semaine, Thomas Snégaroff reçoit l’auteur d’un livre, d’un film, d’une série ; d’un travail qui éclaire l’actualité. Et cette semaine : si on ne se laissait pas abattre face aux bouleversements climatiques ? Et si le pire n’était pas certain ? Comment éviter la catastrophe ?
Il est facile de tomber dans le catastrophisme, tant l’effondrement parait inévitable. Le simple fait d’allumer la radio ou la télévision peut facilement engendrer la fatalité. Pendant la préparation de ce numéro de Regard sur l’info, voilà trois moments entendus sur les médias publics :
"Prêt de 70 % des vertébrés, des poissons ou encore des oiseaux ont disparus lors des 50 dernières années."
Nicolas Teillard, le 17/20, franceinfo
"Il y a quelques années seulement, les méga-feux étaient de l’ordre de l’exceptionnel. Aujourd’hui, ils sont devenus la règle."
Mathieu Vidard, La Terre au Carré, France Inter
"Un triste record, celui de la fonte de la banquise arctique. En 40 ans, c’est la moitié de la banquise qui a disparu."
Anne-Sophie Lapix, Le journal de 20 h, France 2
À moins d’être sourd, difficile de ne pas céder au catastrophisme. Cette semaine, Thomas Snégaroff rencontre Catherine Larrère. Elle est philosophe, spécialiste des questions relatives à l’environnement, professeur émérite à l’université Paris I Panthéon Sorbonne. Catherine Larrère publie, avec son époux Raphaël Larrère : Le pire n’est pas certain - Essai sur l’aveuglement catastrophisme paru aux éditions Premier Parallèle.
Thomas Snégaroff : Comment ne pas céder au catastrophisme ?
Catherine Larrère : Si on en reste à une vision globale, on a une impression de situation extrêmement grave et d’une impuissance face à cette situation. Donc cela on ne le remet pas en question, non. Ce qu’on remet en question, c’est de s’en tenir seulement à cette approche globale. Et donc de penser au singulier une globalité du monde, une globalité de l’effondrement alors qu’en réalité il y a des mondes, des effondrements, de la diversité.
Alors dans le livre, vous évoquez un catastrophisme éclairé
L’idée : la catastrophe est possible mais on peut y répondre. On peut tenir compte de la catastrophe et l’éviter. C’est pourquoi on dit que ce catastrophisme est méthodologique. Ce n’est pas simplement un cri d’alarme, c’est élaborer une stratégie de façon à éviter le pire.
Et dans votre ligne de mire, avec Raphaël Larrère, il y a les ‘collapsologues’. Alors eux, pour le coup, ce n’est pas le catastrophisme éclairé
Alors eux pensent que le catastrophisme est inévitable, que c’est un destin qui est inscrit dans la nécessité même du système. Et ce qu’on essaie de montrer, c’est que : à inscrire ainsi cela dans le réel, on se situe à un niveau global qui ne nous permet pas d’appréhender la situation, plutôt de l’engloutir dans le grand trou noir de la catastrophe à venir.
C’est une sorte de fatalisme, il n’y a rien à faire. C’est là justement la beauté de votre texte, c’est de dire : si, il faut faire quelque chose ! Et vous voulez ‘repolitiser’ la question
Devant cet aveu d’impuissance qu’est le catastrophisme, on n’y peut rien. Ni l’action des états, ni la mobilisation militante de la société civile ne peut l’éviter. Il n’y a qu’une ‘adaptation’ qui est envisageable. Il s’agit de faire avec ce qu’on ne peut pas éviter. Et cette ‘adaptation’ est un ensemble de comportements qui peuvent être de petites collectivités, mais qui restent dans la sphère privée et qui, donc, évacuent la dimension politique d’une réponse au changement climatique et au problème écologique en général.
Donc vous considérez que les collapsologues sont un peu les alliés des libéraux ?
Il y a des convergences. C’est paradoxal et ça provoque leur fureur. Je me souviens d’avoir dit cela à Yves Cochet, il a bondi de sa chaise ! Ce qu’on veut dire, c’est que ce qu’il y a de commun entre le néo-libéralisme à la Thatcher (en prenant bien sûr l’acronyme de Thactcher : TINA, there is no alternative) et les collapsologues, c’est qu’il n’y a pas d’autres alternatives pour eux.
Et ils ne font que s’adapter à la fin du monde
Tout à fait. Pablo Servigne et Raphaël Stevens écrivaient Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes ?, et ils annoncent la catastrophe inévitable. Et ils en écrivent un deuxième, de livre, qui s’appelle Une autre fin du monde est possible. Alors on peut se dire qu’ils ont changé d’avis : non ! Simplement, ils disent que, devant cette situation d’inévitable, il y a différentes façons de s’adapter. Et que, on mourra, mais on mourra heureux !
Vous, vous nous promettez un avenir un peu plus radieux sinon possible. Parce que, selon vous, la politique peut véritablement changer les choses ?
Elle peut changer les choses et elle change les choses. Sans aller très loin, on peut montrer que, pour Notre-Dame-des-Landes, le pire n’était pas certain !
C’est donc un plaidoyer pour l’action politique, pour l’état, pour les collectivités locales aussi auquel ce livre invite. Le titre : Le pire n’est pas certain, essai sur l’aveuglement catastrophique. C’est aux éditions Premier Parallèle.
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