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Vacances de printemps : "C'est vrai que la pandémie a redéveloppé le voyage de proximité", estime Jean Viard

En cette période de vacances scolaires, une tendance est en train, semble-t-il, de s'installer dans les habitudes des Français, c'est de partir près de chez soi. Décryptage avec le sociologue Jean Viard. 

Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Sermiers, dans la Marne, un village champenois près de Reims. (Illustration) (SYLVAIN SONNET / THE IMAGE BANK RF / GETTY IMAGES)

Avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, à l'occasion des vacances de printemps, nous évoquons aujourd'hui cette nouvelle tendance qui semble s'installer dans les habitudes des Français : partir près de chez soi.

franceinfo : On ne tient plus forcément à s'envoler vers le bout du monde, Jean Viard. C'est lié au Covid sans doute et puis aussi en partie, au souci écologique ? 

Jean Viard : Alors, c'est toujours compliqué. On parle vacances, en même temps, il y a la guerre, il y a le Covid et l'élection présidentielle. C'est en même temps ça qui est passionnant dans les sociétés, c'est qu'on est totalement dans ces contradictions. Mais bon, voilà, après, c'est vrai, il va y avoir des vacances. Certains sont déjà en vacances, puisque c'est par région et étalé. Il y a un mouvement de fond depuis un certain temps pour se rendre compte qu'on n'est pas obligé d'aller au bout du monde pour être dépaysé. C'est un phénomène qu'on observe déjà depuis 20 ou 30 ans.

Mais c'est vrai qu'avec la pandémie, au fond, on n'est pas allé loin de ces choix. D'abord parce que je n'avais pas le droit de circuler, mais aussi parce qu'en gros, si vous vous dites si je suis malade, je préfère être chez moi, je préfère parler la "bonne" langue à l'hôpital pour comprendre ce qu'on me raconte. Du coup, ça a développé une activité régionale de proximité qui était souvent un peu plus que les excursions, les sorties à la journée.

Il y a un mouvement de fond et là, si on regarde les réservations, par exemple pour l'été prochain, avec la hausse du prix de l'essence, on voit bien qu'il y a des gens qui calculent pour faire en gros un aller retour avec le plein. Si vous habitez Paris, cette année, il y a davantage de réservations en Bretagne, en Normandie que sur la côte méditerranéenne ou au sud de Bordeaux, là où vous avez besoin de deux ou trois pleins d'essence. 

Ça fait aussi faire des économies...

Mais bien sûr, ça fait des économies. Cela modifie les stratégies, parce que c'est clair que dans le déplacement, l'idée, c'est quand même que les vacances, on va d'abord à côté de chez soi, parce que c'est moins cher. Les Marseillais vont rarement en Bretagne. Les gens de Bordeaux vont essentiellement sur la côte, en dessous de chez eux. Il faut toujours se rappeler une chose, il n'y a que ces "pauvres Parisiens", si j'ose dire, qui n'ont ni la mer ni la montagne, mais les autres Français, c'est-à-dire quand même l'essentiel de la société, a soit la mer, soit la montagne à côté de chez soi. L'essentiel des gens vont en vacances là où c'est le moins loin, parce qu'évidemment, ça coûte moins cher. 

Alors le résultat direct, c'est qu'on redécouvre tous notre territoire, nos territoires pluriels. Et c'est peut-être une bonne chose aussi pour notre attachement à notre pays ? 

La France a toujours été un pays où on restait d'abord en vacances chez nous. Non seulement parce que, historiquement, les vacances ont été inventées en France, mais aussi parce que la France est un pays dans lequel il y a des montagnes, des mers différentes, des paysages complètement différents, que vous preniez L'Alsace, ou le Pays basque, La Corse etc, vous êtes sur des diversités de situation qui font qu'en gros, ce n'est pas toujours la peine d'aller loin.

Après le voyage lointain, il a, soit des raisons financières, par exemple, vous allez au Maghreb, au Maroc, parce qu'en fait, les séjours sont moins chers, parce que les gens sont moins bien payés, parce que l'économie, effectivement, est très différenciée, soit vous avez un tourisme de découverte : être allé à New York, être allé à Londres, qui fait partie de l'apprentissage du monde. Il faut bien se représenter ces différents types de voyages, et c'est vrai que la pandémie a redéveloppé le voyage de proximité.

Chaque pays a des traditions différentes. Les Italiens ont toujours beaucoup visité les autres villes de leur pays. C'est très régionalisé, l'Italie, y compris les gens, changent rarement de régions, mais par contre, ils sont allés visiter Naples, Rome. Ils aiment leurs villes qui sont d'une beauté extraordinaire. Les Allemands, après la réunification, se sont mis à visiter les villes parce qu'il y avait toute la partie qui avait été interdite depuis la guerre, ça vaut dans les deux sens. Donc, il y a eu un gros développement de tourisme en interne.

Et c'est vrai que la France a toujours eu plutôt un tourisme plutôt hexagonal, mais hexagonal vers les littoraux et la neige. Or, il y a un développement du tourisme urbain, et notamment Airbnb, en ce moment, joue un grand rôle dans le développement parce que vous pouvez trouver un logement n'importe où, là où il n'y a pas d'hôtels, et donc d'un coup vous voyez arriver des Japonais, des Anglais, des Français du Nord dans un petit village où on n'a jamais vu un touriste. Il y a tous ces phénomènes aussi de diffusion qui renforcent la demande de proximité, qui a bousculé la pandémie.

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