Trois femmes d'exception sur nos pièces de monnaie : "Un geste profondément symbolique, mais qui pèse dans la bataille pour l'égalité hommes femmes" estime Jean Viard

Trois nouvelles pièces de monnaie avec des femmes en effigie, des femmes de la République, Simone Veil, Joséphine Baker, Marie Curie. Un symbole fort selon le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Simone Veil, Joséphine Baker, Marie Curie, seront bientôt en effigie sur nos pièces de 10, 20 et 50 centimes d'euro. (MONNAIE DE PARIS)

On parle aujourd'hui avec le sociologue Jean Viard de notre rapport aux pièces de monnaie. Simone Veil, Joséphine Baker, Marie Curie, ces trois figures de la République vont se retrouver sur des dizaines de millions de pièces de 10, 20 et 50 centimes d'euro, d'ici quelques mois. Ces trois femmes ont fait l'histoire de la France.

franceinfo : Ces trois femmes vont donc aussi, faire notre quotidien, c'est ça la force symbolique de la monnaie ? 

Jean Viard : Eh oui, la force symbolique de la monnaie, c'est que c'est quelque chose qui circule entre tout le monde, qu'on se rend, qu'on se donne, qui circule à l'intérieur de l'Europe. Alors vous savez que sur les pièces, il y a un côté, c'est l'Europe, le dessin, et l'autre côté, c'est national. Donc les pièces sont réversibles. Donc là, il y a vraiment un mouvement, alors, c'est au passé bien sûr, il y a l'IVG qui est passée dans la Constitution. Il se passe quelque chose pour la place des femmes dans nos sociétés, je crois que c'est ça qu'il faut reconnaître.

Ces trois femmes sont évidemment extraordinaires par leur trajet, mais en plus, elles ont défendu des valeurs qui ne sont pas que féminines. C'est une très grande scientifique, c'est une défenseuse de l'égalité hommes femmes. Enfin, ce sont des valeurs de la société portées par des femmes, pour le changement de place des femmes dans la société.

Alors après on pourrait s'amuser, savoir si c'est une pièce de 0,50 centimes, c'est mieux qu'une pièce d'or, ça ce serait un peu anecdotique, donc je trouve que les mettre sur les pièces, c’est un geste profondément symbolique, mais qui pèse dans la bataille pour l'égalité hommes femmes.

C'est ainsi que vous le voyez vraiment : un pas de plus pour reconnaître la place des femmes dans l'histoire de France ? Une place qu'on a trop souvent, pas assez mis en lumière, pas assez exposée ?

Elles avaient souvent un rôle, beaucoup d'artistes d'ailleurs, ou de scientifiques, ont été un peu doublés, dans des équipes de recherche, on le sait très bien. On va vers un mouvement d'égalité. Chaque fois, ce n'est qu'un pas et vous le savez, il n'y a jamais rien d'acquis définitivement dans les droits des femmes, parce qu'il y a toujours une pression masculine, etc. C'est bien pour ça qu'on a mis l'IVG dans la Constitution, c'est pour essayer qu'il n'y ait pas de reculs comme on le voit aux Etats-Unis. Donc ça participe d'un chemin, mais c'est un chemin qui n'est jamais définitif.

C'est un combat qui est permanent. La volonté de domination des hommes sur les femmes est une histoire extrêmement ancienne, donc je crois qu'en ce moment, on marque des pas, et je dirais c'est trois petites pièces de monnaie qui sont notre quotidien, à la boulangerie, même si on utilise moins la monnaie qu'avant, il faut le reconnaître aussi, ça participe de cette histoire-là, et de cette histoire positive.

Et justement, on a un attachement particulier à nos pièces de monnaie. C'est difficile d'imaginer qu'elles vont disparaître un jour, même si elles sont de moins en moins utiles ?

C'est compliqué parce qu'on n'arrête pas de dire aux enfants qu'ils sont trop sur leur téléphone portable, qu'il faut les réguler, et en même temps, on va tout mettre sur le téléphone portable, y compris la monnaie pour payer le pain. Donc, on est dans un mouvement très contradictoire.

On veut dématérialiser toutes les relations. Est-ce qu'on ne le fait pas trop ? J'ai souvent tendance à le penser, on est tous là à faire des numéros de téléphone, où personne ne nous répond jamais, où taper point 2, point 4, point 6, donc à un moment, effectivement, on peut quand même se dire au fond, garder un peu des pièces de monnaie, ça a quelque chose de réel.

Et vous savez, la pièce de monnaie, c'est bien parce que ça me permet de vendre mes tomates, et d'aller acheter un pantalon, sinon il faudrait que je négocie le pantalon contre les tomates. Et au fond, la monnaie, c'est ce qui permet justement un échange un peu neutre entre deux offres, avec tout ce que ça entraîne, le troc de discussions, etc. Mais en même temps, ça a l'avantage que ça reste un objet transitionnel, on se rend la monnaie, merci, etc. Moi j'aime bien la monnaie alors que j'ai toujours un peu peur du numérique qui enlève au fond tout échange humain.

Vous parliez justement de tout ce qui est dématérialisé, mais la monnaie, les billets, c'est aussi très concret, à l'heure du numérique, c'est certainement quelque chose qui peut rassurer des gens ? 

Oui, parce que vous savez, on dépenserait moins d'argent si on payait tout en liquide, parce qu'il y a une forme de neutralité. Si vous posez votre carte bancaire, c'est débité, etc. Quand vous sortez des billets, vous les comptez. Avec cette utilisation permanente de la monnaie numérique, la valeur des choses nous échappe. Je pense qu'il ne faut pas supprimer la monnaie, ça a un effet de maîtrise de la valeur des choses, et ça c'est positif.

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