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Question de société. Jean Viard : "Pensons l'après, et réorganisons la politique autour de trois piliers : la santé, l'école et la lutte contre le réchauffement climatique"'

Nous revoilà tous confinés. Dans "Question de société" ce dimanche, Le sociologue Jean Viard nous invite à ne pas attendre que la pandémie se termine ou que le vaccin arrive enfin. Il nous suggère de penser à notre vie d'après, pour nous aider à traverser cette période.  

Article rédigé par franceinfo, Augustin Arrivé
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Groënland le 30 août 2019 (MEDIADRUMIMAGES/JOESHUTTER / MAXPPP)

Avec le sociologue Jean Viard, nous évoquons aujourd’hui dans Question de société, le reconfinement. Les autorités s'inquiètent. C'est un point qui revenait souvent avant l'intervention d'Emmanuel Macron, le 28 octobre. Elles s'inquiétaient de savoir si les mesures qui seraient prises seraient bien acceptées par la population.

franceinfo : Jean Viard, est-ce qu'il va être respecté, ce nouveau confinement ? Comment l'accepter le plus sereinement possible ?

Jean Viard : Ça va pas être facile. En plus, ça se mélange avec les attentats terroristes. Au fond, on a deux peurs. On a la peur de la maladie, on a la peur des attentats, et on sait que ces deux peurs vont durer. On peut espérer que la pandémie durera moins longtemps que les attentats, malheureusement. Et puis après, il y a la peur de la faillite et la peur de la pauvreté, pour un million d'entre nous, il y a toutes les populations qui travaillaient plus ou moins au noir, qui n'ont plus rien du tout.

On est dans une situation qui est extrêmement difficile, extrêmement violente, et je crois que ça, il faut le dire, et dire on se bat pour la vie, on se bat pour sauver des vies. 

Jean Viard

franceinfo

On estime en France qu'il y avait 3 ou 400 000 risques de décès. On en est à 30 000, c'est déjà beaucoup. On va sans doute, bien sûr, monter au-delà, mais il faut toujours se rappeler, on se bat. L'hôpital n'est qu'un moyen, un moyen essentiel, génial, mais on se bat pour sauver des vies, et je crois qu'il faut le répéter toute la journée pour qu'on ait la fierté du combat, et de ce combat-là qui est un beau combat. Mais après, il y a des inégalités. Comment on va les combler ? C'est compliqué. On voit les commerçants, on peut comprendre, on dit non, si il y a plein de gens dans les rues pour faire les courses, ils se passent la maladie, d’un autre côté les commerçants disent : attendez j'ai déjà perdu à peu près 25% de mon chiffre d'affaires avant, si je reperds 20% avant Noël, je suis mort,  et c'est vrai pour beaucoup d'entreprises.

Donc, du coup, là, il y a un vrai problème économique. Mais je dirais : ne l'exagérons pas non plus. Moi je pense d'abord au million de pauvres nouveaux, etc. Donc, il faut négocier des indemnités, des ventes par correspondance etc, avec le problème de la concurrence, évidemment avec Amazon. Rappelons le fond, rappelons le sens de ce combat. Et rappelons aussi que chacun de nos drames individuels s'inscrit dans un immense mouvement historique.

L'humanité est en train de mener un combat planétaire. Et c'est la première fois.

Jean Viard

franceinfo

franceinfo : Le ministre de la Santé nous redit aujourd'hui dans Le Journal du Dimanche que Noël, cette année, ne sera pas comme les années précédentes, qu'il n'y aura peut-être pas non plus, d'ailleurs de grande soirée le 31 décembre. On a pourtant besoin d'une lumière au bout du tunnel. Alors, comment faire ?

Jean Viard : Soyons réalistes, on n'aura pas de vaccin avant Noël. Donc, à partir du moment où on n'a pas de vaccin, plus on se rencontre, plus on répand la maladie. Donc, Noël ne sera pas un Noël normal. On s’enverra des cadeaux, on se téléphonera, mais il n’y aura pas grand monde et je ne parle pas du réveillon. Il faut partir là-dessus et ça va durer. On peut avoir des modes différents de confinement, mais ne rêvons pas, tant qu'il n'y aura pas de vaccin, il y aura des mesures de restriction.

Donc, qu'est-ce qu'on peut faire? Trois choses. D'abord, se dire comment je vis cette période ? Il ne faut pas vivre en attendant, il faut vivre. Par exemple, il y a une télé qui a remis Au Théâtre ce soir. Par exemple, on pourrait offrir un million de livres aux jeunes de banlieue, par exemple on pourrait mettre le foot en clair, pour que tout le monde le regarde, même si on n’est pas abonné. Je prends quelques petits exemples comme ça. C'est quand même tout à fait important. Il y a évidemment la question des femmes battues qui est essentielle. Et puis, il faut se dire aussi commençons à débattre de ce qu'on fera après. Voyez je me disais en préparant cette émission au fond, le programme du CNL, (le centre national du livre)  il a été fait pendant la guerre. Ils n'ont pas attendu la fin de la guerre pour se dire, et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Au fond, on a le même problème.  

On doit commencer à penser à la société qu'on va organiser demain. Et il y a trois piliers qu'on voit émerger. On se rend compte qu'on a massacré l'hôpital. Faut pas exagérer, mais on a réduit l'hôpital et l'école. On se rend compte que la santé, l'éducation, c'est le cœur d'une société démocratique. Moi, ce que j'attends, c'est que demain, on devra réorganiser la politique autour de ces deux piliers, et du troisième pilier qui va apparaître, évidemment, qui apparaît déjà, la lutte contre le réchauffement climatique. 

Moi, je considère ce virus comme un détonateur, le détonateur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Jean Viard

franceinfo

École, santé, lutte contre le réchauffement climatique, et les gens se sont rendu compte qu'on pouvait modifier nos comportements. On va pas s'enfermer pendant 20 ans. Mais on se rend compte qu'on peut massivement modifier nos comportements, et parfois y trouver aussi du plaisir. Il faut dire ça. Il y a des catastrophes, mais il y a aussi du plaisir dans tout ça. Il y a des apprentissages, y a des redécouvertes d'individus. Je fais l'éloge des bébés qui vont bientôt naître de la première pandémie. Voyons les deux côtés pour essayer de se dire : pensons l'après. Cela va nous aider à traverser la période.

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