Congrès des maires ruraux : " Le monde rural, c'est notre grand puits à carbone, avec de nouveaux enjeux, de nouvelles populations", Jean Viard
Ce weekend des 1er et 2 octobre, en Dordogne, les maires ruraux de France se réunissent pour le congrès de leur association. Ils vont recevoir plusieurs membres du gouvernement sur ce thème : "Communes et ruralité. Cinq ans, pour quoi faire ?"
Quel est aujourd'hui le sens et le rôle d'une commune rurale ? Le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS s'interroge aujourd'hui sur la ruralité. Nos territoires ruraux connaissent de profonds changements. Les élus locaux sont souvent à la manœuvre dans beaucoup de ces transitions.
franceinfo : Pour ces élus locaux, pour ces cinq prochaines années, que faire ? Quels sont les grands enjeux d'aujourd'hui ?
Jean Viard : Il ne faut pas avoir une vision "carte postale" du monde rural traditionnel. Le monde rural, il y a des endroits comme un vaste péri-urbain en plein bouleversement. Il y a des endroits comme la Lozère, la Corrèze, où c'est un peu la France traditionnelle avec ses communes et ses clochers. Et puis il y a évidemment le monde rural des grandes plaines, de la Beauce, de la Brie ou là, en gros, à perte de vue, il y a des champs et assez peu d'habitants.
Il y a tous ces mondes. Il ne faut pas les mélanger complètement parce qu'une grande partie du monde rural vit dans l'orbite des métropoles, et dedans, il y a d'un côté, le monde rural "gilets jaunes", le monde des lotissements qui s'est étalé autour des villes. Puis de l'autre côté, il y a le monde rural "télétravailleurs bobos" pour faire vite, tous ces urbains qui sont à cheval entre la ville et la campagne, qui sont allés dans la vallée de la Loire, en Bourgogne, etc.
Et puis il y a le monde rural vraiment traditionnel, des petites communes relativement isolées les unes des autres, souvent un peu en cours de dépeuplement, mais pas partout, parce que le monde rural est à la mode. 80% des cadres parisiens rêvent de quitter Paris pour y aller, ou pour aller en province. Donc il faut bien voir qu'on n'est plus dans la grande période de déperdition, il y a de nouveaux enjeux, de nouvelles populations, et puis il y a des élus locaux, souvent dynamiques.
Puisqu'il y a finalement beaucoup de ruralités différentes, on imagine que les besoins et les attentes des maires ne sont pas les mêmes, et c'est un enjeu important que d'y répondre ?
Les enjeux, c'est des enjeux d'abord de service. On est dans une société, de plus en plus, du local et de la livraison. Mais c'est aussi le cas à la campagne. Ça vaut évidemment dans les villes, mais Amazon, ça existe partout. Ils ont des problèmes spécifiques, notamment le problème du haut débit généralisé : c'est un très gros problème dans ce qu'on appelle les zones blanches. Le problème de la santé, c'est pas fait.
Et puis il y a le retournement, le monde rural, c'est aussi là où on capte le carbone, la forêt, les travaux agricoles. On peut avoir une agriculture qui capte le carbone. On peut beaucoup plus travailler nos forêts. C'est au fond notre grand puits à carbone le monde rural, et si on le regarde comme ça, ça lui donne une fonction tout à fait nouvelle dans le monde qu'on est en train de construire.
200 maires ruraux vont donc plancher pendant une année sur ce défi climatique, coordonner l'action publique dans les territoires, et puis surtout souligner les enjeux climatiques propres à ces territoires ruraux. Est-ce qu'il y a un vrai levier là dans la transition écologique ?
C'est un enjeu majeur parce que la transition écologique sera à la fois très locale et très globale. Il faut faire les deux. Chacun d'entre nous va trier sa poubelle et en même temps, il faut évidemment construire des systèmes énergétiques bas carbone et construire une économie de recyclage. Donc chaque territoire et surtout les territoires où il y a de la nature, de la forêt, des endroits humides, c'est un enjeu.
Un des grands enjeux ça va être la gestion de l'eau. On en a parlé cet été, avec le réchauffement, ça va continuer. Est-ce qu'on fait des bassines ou pas ? Est-ce qu'on stocke l'eau l'hiver ? Là, il y a tout un enjeu majeur autour de l'eau dans le territoire rural. L'eau pour boire et l'eau évidemment pour l'agriculture.
C'est pour ça que l'enjeu des liens, vous savez, dans des petites communes, la poste a maintenant des petites cabines, où vous pouvez mettre du pain ou peut-être vos courses. Il y a des tas de nouveaux services de proximité qui sont indispensables aux populations parfois un peu âgées de ces territoires. Il y a tous ces services qui sont évidemment un enjeu très important pour la qualité de vie.
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