Le PS peut-il reconquérir les enseignants ?
Notre question du jour : «Le PS peut-il reconquérir les enseignants ?»
Reconquérir est bien le terme : ils ont été un électorat naturel du PS, ils restent un électorat naturel de la gauche, mais pas forcément du PS : ça a eu des conséquences désastreuses pour le PS en 2002 : Lionel Jospin n’avait réuni que 22% des voix enseignantes dès le premier tour, contre une moyenne de 30 habituellement. On peut vraiment faire l’hypothèse que les enseignants avaient largement contribué à priver le PS du 2e tour à l’époque. En 2007 c’est François Bayrou – un ancien ministre de l’Education nationale - qui a joué les trouble fête au premier tour.
De quand date le divorce… De l’époque où Claude Allègre traitait les enseignants « d’absentéistes » et qualifiait l’Education nationale de « mammouth »?
En partie oui. Et d’ailleurs à l’époque les syndicats et les enseignants avaient prévenu le PS, en renvoyant par centaines leurs cartes d’adhérents. Quelque chose s’est rompu qui ne s’est jamais reconstruit depuis.
Mais le divorce est aussi à l’intérieur de la famille socialiste. Vous avez assez peu de points de convergence entre les républicains qu’incarnait un Jean-Pierre Chevènement, les libéraux favorables à l’autonomie des établissements ou encore ceux qui pensent que l’école ne va pas si mal et qu’il suffit de la gérer au plus fin – c’est le cas notamment de beaucoup de hauts fonctionnaires de l’Education nationale par ailleurs encartés au PS.
Le discours des candidats PS hier soir annonce-t-il une stratégie de reconquête des enseignants ?
Ce discours est en tout cas hanté par un objectif caché : ne pas rater le rendez-vous avec les syndicats.
Je m’explique.
La principale proposition qui fâche dans le programme PS, c’est de toucher au temps de travail des enseignants.
l’idée n’est pas tant de leur demander de travailler plus que de travailler autrement.
Les candidats ont été clair là-dessus : on ne peut pas se contenter comme on le fait depuis 1950 de réduire la définition du temps de travail à ce que qu’on appelle le temps de service, c’est-à-duire le temps passé devant les élèves.
Il n’échappe à personne qu’ils travaillent en dehors, pour préparer leurs cours, pour les corriger…
Oui, et aussi, désormais, pour monter des projets, pour travailler en équipe, pour chercher des stages, pour rencontrer les parents etc. Les tâches se sont diversifiées, et elles ne sont pas formellement prises en compte. C’est ce que les socialistes appellent reconnaître « le temps de travail effectif réel ». En échange de quoi ils espèrent obtenir des enseignants plus de temps de présence dans les établissements - on parle principalement ici du secondaire puisque dans le primaire les enseignants sont présents du lundi matin au vendredi soir.
Travailler autrement, et en échange les payer plus ?
Oui. Là où l’histoire bégaie c’est que c’était exactement l’accord auquel étaient parvenus en 1988 la défunte FEN, qui fut a forteresse syndicale de l’Education nationale, et les fabiusiens – à un moment où tout le monde pensait que Laurent Fabius hériterait de l’Education nationale en cas de victoire de la gauche. Or c’est Lionel Jospin qui est entré rue de Grenelle, et il a cassé cet accord historique. Résultat : il a tout même dû revaloriser les salaires des enseignants mais n’a rien obtenu en échange et notamment pas ce fameux « travailler autrement ». L’épisode peut vous sembler lointain mais il est très présent dans la mémoire des dirigeants socialistes car jamais, depuis, une telle occasion ne s’est représentée.
D’où l’extrême prudence des candidats PS quand on leur demande de préciser ce qu’ils entendent quand ils parlent du statut des enseignants ou bien quand on leur demande précisément comment ils comptent les augmenter…
Oui. Pas question de faire des annonces trop précises sans un accord préalable.
La négociation avec les syndicats a d’ailleurs déjà commencé. La FSU, majoritaire a entrouvert la porte, les autres syndicats de gauche ont toujours été partants pour des formules qui inciteraient enseignants de passer plus de temps dans les établissements. Mais le PS n’a pas intérêt à promettre avant d’avoir obtenu des engagements en échange.
Tout se résume donc à une affaire politico-syndicale ? Les enseignants n’attendent pas un autre discours du PS ?
Si. Mais la plupart des candidats à la primaire PS semblent encore gênés aux entournures. Ils prononcent les formules magiques qu’attend l’électorat sur l’éducation, et pas seulement les enseignants d’ailleurs : il faut lutter contre le naufrage de l’école, revoir les rythmes, arrêter l’hémorragie de postes, mieux former les enseignants, lutter contre les inégalités, donner du sens, remettre des valeurs… La proposition la plus radicale vient d’Arnaud Montebourg quand il propose d’unifier le primaire et le collège, mais elle n’est pas portée par l’ensemble du parti.
Un mot quand même sur la querelle des postes, avec cet affrontement Aubry-Hollande sur la nécessité d’un plan pluriannuel de recrutement ?
Oui c’est le d’ailleurs seul à s’engager avant d’avoir rien obtenu des syndicats et aussi à placer la question des moyens avant la question des missions. Et puis surtout c’est une proposition qui renverrait François Hollande et le PS à de lourds arbitrages budgétaires. Car ce ne sont pas 12.000 postes par an pendant 5 ans qu’il faut créer pour remplacer les postes supprimés par la droite, il faut aussi se remettre à remplacer 100% des départs à la retraite. Concrètement : aujourd’hui on recrute 15.000 enseignants pour 30000 départs à la retraite. La proposition Hollande amènerait à en recruter chaque année 30000 + 12000 = 42000 soit 27000 de plus par an qu’en ce moment, c’est quasiment trois fois plus. C’est énorme et en dehors même de toute contingence budgétaire on sait aujourd’hui que le vivier de candidats n’existe pas – sauf à recruter tous ceux qui se présenteraient au concours.
Pour en savoir plus :
Les primaires PS sur franceinfo.fr
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.