Collège : peut-on apprendre à parler sans parler ?
Etude de la Depp, intitulée Grammaire,
orthographe, lexique : quelles pratiques au
collège et en CM2 ? Elle montre une certaine schizophrénie des enseignants.
Pourtant
ils sont assez unanimes sur les objectifs...
On leur a soumis un certain nombre de propositions, et deux objectifs dominent
nettement : l'école et le collège sont faits pour apprendre à écrire et à
parler. Le paradoxe, c'est que les enseignants passent finalement assez peu de
temps à faire écrire et parler les élèves – c'est un peu comme si on vous
apprenait à nager sans vous mettre très souvent dans une piscine.
L'écart
le plus manifeste est sur l'oral...
37 % des enseignants de
collège déclarent qu'ils ne pratiquent qu'exceptionnellement " un travail sur
la langue lié à des énoncés oraux " (contre 31 % en CM2) ; 9 % seulement
le pratiquent " souvent ". Pour l'écrit, c'est surtout la nature des
apprentissages qui est interrogée par l'étude, notamment en CM2 : la connaissance des règles du français reste un objectif
prioritaire, mais " le développement de l'esprit critique à travers
l'étude de la langue se révèle être une " préoccupation mineure ".
On
cherche plus à faire des " têtes bien pleines " que des
" têtes bien faites ".
Très concrètement ça se traduit de la façon suivante : d'abord la leçon,
de grammaire, orthographe ou vocabulaire, puis l'étude d'un texte qui illustre
cette leçon, enfin la production d'écrits à partir de cette étude du
texte ; en revanche " très peu de travail
sur la langue en lien avec des productions écrites d'élèves ". Sauf dans
un cadre, celui de l'évaluation. Donc quand on écrit, c'est d'une façon ou
d'une autre pour vérifier qu'on a compris une règle ou bien pour être
noté.
On dit que le
niveau des élèves a baissé depuis 20 ans en orthographe. Est-ce que cette
attention aux règles ne peut pas les aider ?
C'est effectivement le
contexte, cette baisse du niveau en orthographe, qui est aujourd'hui
communément admise. De nouveaux programmes avaient été élaborés en 2008 pour
remettre au premier plan l'étude de la langue dans l'enseignement du français.
Ce n'est pas qu'on l'avait abandonnée avant mais elle était en quelque sorte
diluée dans une approche qui se voulait " décloisonnée ". L'idée
était qu'on n'apprend pas seulement le français en faisant du français mais
aussi à travers d'autres enseignements. D'où, selon l'étude, " la
fréquence de ces séances du type " leçon + exercices d'application " ou des
activités de type " entraînement de conjugaison " ou " exercices constitués de
courts textes ou extraits de textes " ". C'est vraiment un effet ce ces
nouveaux programmes de 2008 qui mettent l'accent sur l'importance de la leçon de
grammaire et qui donnent, pour chaque cycle, la liste des notions à étudier.
Les
enseignants sont-ils suffisamment formés ?
Au collège, en principe
oui puisqu'ils sont spécialistes de leur discipline – on devient professeur de
français après avoir fait des études de Lettres. Au primaire, non – on peut
devenir professeur des écoles à partir de n'importe quelle filière.
Résultat : les enseignants de CM2 sont 83 % à déclarer n'avoir reçu aucune
formation académique en langue même à l'occasion de la préparation du concours.
Il y a là une lacune considérable, même si la moitié de ces enseignants déclare
avoir reçu une formation didactique, c'est-à-dire une formation à la manière
d'enseigner le français.
La bonne nouvelle quand même,
c'est que les enseignants aiment enseigner la langue
Ils soulignent au collège le
caractère " logique et rigoureux " de cet enseignement, plus facile
à mettre en œuvre que par exemple les études de textes. Mais il y a un revers à
la médaille, le risque – je cite – de " démotivation des élèves face à un
enseignement jugé ennuyeux, rébarbatif, décourageant et répétitif depuis
l'école élémentaire ", et " la difficulté à construire une progression qui
évite les redites sur les quatre années de collège ".
Les programmes scolaires sont
actuellement en cours de réécriture – un Conseil supérieur des programmes a été
nommé pour y travailler. Est-ce qu'il s'attaquera à ces contradictions ?
En principe oui. Mais d'abord le
sujet de la langue est toujours hautement inflammable – souvenez-vous de la
querelle des méthodes de lecture, entre la syllabique et la globale. Ensuite les
choses pourraient aller moins vite que prévu : Vincent Peillon veut des
nouveaux programmes pour le printemps, mais le Snes FSU, majoritaire, qualifie
ce délai d'irréaliste et il a déjà annoncé qu'il s'opposerait à des programmes
conçus aussi vite. Enfin il y aura un débat de fond : faut-il continue à
définir les programmes discipline par discipline, ou faut-il passer comme
d'autres pays à une approche dite " curriculaire ". C'est une
approche qui englobe les apprentissages visés, les processus didactiques mis en œuvre pour
les atteindre – en clair la façon d'apprendre - et enfin les situations
d'évaluation – est-ce qu'on note, si oui comment, etc. C'est une approche
sous-tendue par la socle commun de connaissances et de compétences
théoriquement mis en œuvre dans la loi d'orientation de 2005 mais qui n'a
jamais jusqu'à présent trouvé de réelle application dans les écoles et les
collèges.
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