Classements des lycées, mode d'emploi
Les classements sont différents car les médias attribuent
des coefficients différents aux données fournies par l'Education nationale.
Cette dernière ne se
contente pas de donner le taux de réussite brut au bac. Elle impose même de publier d'autres données à
commencer par la valeur ajoutée de l'établissement. Cette notion est même au cœur
de la démarche.
**Pour chaque lycée, l'Education
nationale mesure un taux de réussite attendu.**
Ce taux résulte d'une savante équation qui permet de
dire, à partir de la composition d'un lycée, de son implantation, de l'historique
des années précédentes , quel taux de réussite moyen est censé être atteint. Le
mieux pour comprendre est de prendre un exemple fictif : si un lycée
accueille une majorité d'élèves en situation de fragilité sociale, ce taux de
réussite attendu sera par exemple de 70%. Si un autre lycée accueille une
majorité d'élèves issus des classes favorisées, ce taux attendu sera de 90%.
Imaginons maintenant que ces deux lycées ont un taux de réussite réel de 80%.
Eh bien cela signifie que le premier, celui qui n'était censé faire que 70%, a
une valeur ajoutée de 10 %, tandis que le second, qui devait faire 90% a une
moins value de 10%. Donc si on veut classer
ces lycées sur la seule base du taux de réussite réel, ils seront à égalité, puisque les deux ont 80% de taux de réussite.
En revanche,
si vous voulez savoir lequel de ces lycées, relativement à la population qu'il
accueille, fait le meilleur travail, c'est celui qui a un taux de réussite de
70% qui sera le mieux classé, puisqu'il a une plus value, de 10 points, tandis
que l'autre a une moins value.
Qu'est-ce qu'un parent doit choisir ?
Lycée fréquenté par
des enfants de milieu populaire ou de milieu favorisé ? C c'est là toute la limite du raisonnement
et toute la limite de ces classements. Pour deux raisons, la première c'est que
mon hypothèse est malheureusement fictive : dans la majorité des cas, un
lycée qui accueille des élèves de milieux favorisés aura un meilleur taux de
réussite . Seconde raison : même si sa valeur ajoutée est moindre
voire négative, cela n'empêchera pas une majorité de parents de le préférer un
lycée peut-être plus méritant mais dont le taux d réussite brut, le taux réel,
sera supérieur, a fortiori s'il est " mieux fréquenté ".
**Y a-t-il un profil type
des lycées à forte valeur ajoutée ?**
Non. Certains ont des effectifs réduits, d'autres des
effectifs importants ; certains accueillent beaucoup d'élèves issus de
milieux défavorisés, d'autres sont socialement mixtes voire accueillent des
élèves de milieux favorisés. En fait, quand vous creusez, vous vous rendez
compte que leur point commun est d'avoir un projet pédagogique fort.
**En dehors du taux de
réussite au bac et de cette notion de " valeur ajoutée ", que faut-il
regarder d'autre ?**
Le taux d'accès de la seconde au bac. C'est au fond
l'indicateur le plus intéressant car c'est celui qui vous renseigne sur la
capacité d'un lycée à accompagner ses élèves jusqu'au bac. C'est là que vous
découvrez parfois le secret honteux de certains établissements qui affichent un
glorieux 100% de réussite : ils ont exclu en fin de seconde les élèves qui
n'étaient pas au niveau. Donc si votre
enfant est plutôt fragile scolairement, évitez ce genre de lycées, en apparence
très séduisants : ils risquent fort de l'éjecter sans façons au bout d'un
an afin de ne pas abimer leurs belles statistiques. Attention néanmoins :
dans certains cas, le taux d'évaporation s'explique par une offre d'options ou
de séries insuffisantes en première, auquel cas ce sont les élèves eux-mêmes qui
décident de partir. La seule façon de savoir c'est de se renseigner précisément
sur l'établissement sur les raisons de cette évaporation.
Y a-t-il d'autres pièges ?
Oui, il y en a un que vous ne pourrez détecter qu'en
lisant les articles qui accompagnent ces classements : certains
établissements privés présentent leurs élèves au bac sous deux marques différentes.
Ils regroupent tous leurs excellents élèves sous une marque, et les autres sous
une seconde marque. Les premiers permettent à l'établissement d'afficher 100%
de réussite et d'attirer des clients, mais cela ne reflète pas les performances
de l'ensemble de l'établissement.
**Public et privé
obtiennent-ils les mêmes résultats ?**
Non. L'ironie de ces classements, c'est qu'ils ont été
conçus autour de notre fameuse notion de valeur ajoutée pour revaloriser l'image
d'établissements qui s'engagent pour tous leurs élèves. Or si on applique
strictement cette grille de lecture, c'est-à-dire si on affecte, dans le
classement, un coefficient important à ce critère, eh bien c'est le privé sous
contrat qui l'emporte très nettement.
Il faut croire que cela ne pique pas au vif l'honneur des établissements publics. C'était pourtant un des objectifs
du ministère quand il a décidé, il y a une quinzaine d'années, de rendre publiques
toutes ces données. Il y avait l'idée d'offrir de la transparence aux parents, d'éviter aussi que les
réputations se construisent sur la base de rumeurs, mais il y avait aussi le
projet d'amener les lycées à s'emparer de ces indicateurs pour regarder comment
s'y prenaient les meilleurs et de les imiter. Certains l'ont fait, mais dans la
majorité des cas, il n'y a pas de véritable culture de l'évaluation dans
les établissement, donc finalement cela n'a pas permis d'entraîner de profonds
changements du système.
Quels critères le journal L'Etudiant valorise-t-il pour son propre palmarès ?
Pour établir son classement, l'Etudiant donne une note fondée sur trois critères :
taux de réussite, valeur ajoutée et taux d'accès de la première au bac. Les
trois ont le même coefficient pour ne pas choisir à la place
des parents – certains sont dans une logique élitiste, d'autres préfèrent une
approche moins compétitive. Un bon lycée est un
lycée qui sait remplir ces trois missions simultanément.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.