Profession : reporter. Rédacteur de voile avec Denis van den Brink
On respire l'air du large dans "Profession : reporter" avec Éric Valmir aux Sables d'Olonne, pour l'arrivée de ce jeudi 28 janvier, des skippers de la 9e édition du Vendée Globe. Plein feux sur une profession méconnue, celle de rédacteur dans les courses de voile.
Pour le journaliste sportif, spécialiste de voile, la valeur du terrain inhérente au reportage est impossible quand il s’agit de traiter une compétition comme le Vendée Globe, un tour du monde à la voile en solitaire, où par définition, personne n’est à bord pour retranscrire ce qui s’y joue.
La confiance : le maître-mot
Dès qu’il s’agit d’information, on parle de défiance, de confiance, et cette confiance, elle est vitale dans le rapport entre le rédacteur d’un navigateur et le reporter voile qui ne dispose pas d’autres sources. Denis van den Brink, ancien attaché de presse, a embrassé cette carrière de rédacteur qu’il estime proche du journalisme il y a 15 ans, d’abord auprès de Francis Joyon, aujourd’hui avec Thomas Ruyant.
La chance que j’ai, est que ces skippers sont transparents. Quand ça va bien, évidemment ils le disent, mais quand ça ne va pas, ils le disent aussi.
Denis van den Brink, rédacteur de voile auprès de Thomas Ruyant
Car, sans pour autant énoncer une culture du secret, les skippers sont plutôt avares de détails lorsqu’il s’agit d’énoncer les soucis techniques de l’Imoca. On l’a encore vu dans la nuit de jeudi et vendredi, les 28 et 29 janvier, quand Jean Le Cam, tout étourdi, a révélé les souffrances de YesWeCam endurées depuis les îles Kerguelen.
Pourquoi cette opacité ? Dans le cas de Jean Le Cam, on peut parler de pudeur, mais plus généralement, cette course se jouant aussi au mental, la carte du bluff s’abat aussi en omettant de révéler les failles, les fissures, la fatigue de l’homme et du bateau. Ne surtout pas se livrer vulnérable aux yeux des skippers concurrents.
La profession "Rédacteur" évolue évidemment avec les nouvelles techniques et la nouvelle génération de marins. Finis ou presque les vieux loups de mer renfrognés qui ne s’exprimaient que très peu. Aujourd’hui, les skippers savent communiquer avec les outils qui sont mis à leur disposition.
De multiples outils pour communiquer et filmer
Le boom technologique est tel qu’avec un téléphone, toutes et tous peuvent tourner une vidéo, donner des nouvelles, publier une story. Bien sûr, les comptes des skippers sont gérés à terre par les bureaux de presse, mais la matière est envoyée par les navigateurs, c’est une donne nouvelle.
De l’image et du son brut que chaque média peut utiliser. L’info qui y est livrée est souvent sommaire, mais la presse généraliste s’en satisfait. Et pour cause, on a vu Charlie Dalin ou Thomas Ruyant monter au mât, tout en se filmant, tout en commentant, tout en tournant les images à 360 degrés. Inouï. Les vidéos et les voix du grand large nourrissent les fantasmes. Surtout en période de pandémie, où chacun cherche une bulle d’air pour s’évader. Il y a de l’émerveillement et de l’admiration devant l’univers méconnu des tourdumondistes.
Mais Denis van den Brink veut aller au-delà. La force d’une séquence filmée est une chose, mais le fait doit l’emporter sur l’émotion. Son travail de rédacteur, à la manière d’un journaliste, est d’analyser le fait, et de retranscrire la situation qui s’approche le plus de la réalité.
Vidéo de bord par Thomas Ruyant le 17 décembre 2020 après une grosse avarie sur son bateau.
Transmettre dimension humaine et dialogues avec l'océan
L’image, aussi puissante soit-elle, peut être trompeuse, et le rédacteur doit la contextualiser. Autre préoccupation majeure, le vocabulaire. Si les non-initiés comprennent quatre mots dans la phrase, c’est beau. Les skippers parlent face caméra dans leur jargon technique, le rédacteur se voit alors confier un travail de pédagogie sémantique.
Et puis, pour les rédacteurs, se pose aussi la question d’une exigence éditoriale. Inciter les journalistes à ne pas se focaliser sur classements, écarts et stratégies, sur les problèmes de voile ou de safran. Et donner des éléments nécessaires à une narration qui va au-delà de la course : le dépassement de soi, la dimension humaine, des histoires en lien avec l’océan. Le rédacteur ne vend pas du rêve, il est très terre-à-terre dans sa volonté de décrire la vérité du grand large et les conditions de navigation.
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