Profession reporter. La photographe de presse Laurence Geai et ses images du printemps 2020 sur la pandémie
La photojournaliste Laurence Geai a circulé aussi vite que le coronavirus pour capter ses effets sur la vie des hommes. Le journal "Le Monde" a publié ses photos. Une partie de son travail est visible cette semaine au festival Visa pour l’image de Perpignan dans l’exposition "Pandémie(s)".
Emmanuel Macron a beau parler d’une guerre, la photoreporter Laurence Geai ne la reconnaît pas cette guerre, en bas de chez elle, cette guerre qu’elle connaît si bien pour la croiser en Syrie ou en Irak. Avec la guerre, il y a généralement la peur qu’elle combat et qui l’empêche parfois de respirer. Mais à Paris, elle respire.
Remonter un fil, explorer les zones grises
Pourtant, la journaliste a contracté le virus dès le premier jour du confinement. Une fois guérie, elle se pense immunisée, qu’importe que ce soit à tort, elle n’est pas médecin, le fait est : elle ne sent pas en danger en France. C’était pareil en 2015 quand elle était planquée dans un petit parc face au Bataclan, que les balles claquaient lourdement et que les regards dans l’objectif étaient plein d’effroi. Mais dans le fond, cette idée de guerre ou pas est sans importance. Le mode opératoire de Laurence Geai est toujours le même, remonter un fil, explorer les zones grises, ses influences sur les vies et la nature humaine. C’est tout le sens de son métier de photoreporter qu’elle considère "utile".
Alors que la France se barricade chez elle au printemps 2020, Laurence Geai sort. Appareil à la main, elle sillonne les rues désertes des arrondissements parisiens. Àla surface visible des trottoirs, les SDF confinés dehors. À l’écoute des bruits de la ville réinventés, le chant des oiseaux scié par les sirènes d’ambulance. Les secours, la photojournaliste les suit jusqu’à la salle de réanimation où les détresses respiratoires asphyxient les services d’urgence.
Ne rien s’interdire dans le respect de la dignité
Ne jamais photographier les visages des victimes entubées, ce reportage dans le TGV médicalisé qui fait que Laurence ne pourra plus jamais regarder un train comme avant, et puis le deuil. Le cimetière de Pantin. Un jeune homme est mort. Deux personnes à la cérémonie. Sa mère et son frère, son frère qui tient l’urne. Et c’est tout. Les larmes séchées, le vide, la détresse. Voilà, ce n’est pas la guerre, mais c’est tout comme.
Témoigner des horreurs du monde permet, sans doute, de relativiser ses propres problèmes existentiels.
Laurence Geai, photoreporter
La souffrance et la mort, cette prison de Daech et cette photo qu’elle n’a pas prise. Des enfants de 8 ans maigres en combinaison orange à terre, frottant le sol. Elle n’a pas pu. Et c’est son pire cauchemar : ne pas réussir à photographier la scène qui se présente à son objectif. Être rattrapée par l’émotion. Elle n’a pas connu de stress traumatique, au début elle a pleuré en Syrie, et maintenant elle ne pleure plus, par respect.
Son appareil photo est un filtre entre l’immonde qu’elle capte et son visage si doux, certes, encore jeune du haut de ses 35 ans, mais qui pourrait être fissuré par les épreuves. Il n’en est rien. Laurence Geai sourit timidement, le regard ailleurs...
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