Cet article date de plus de trois ans.

Profession : reporter. Journaliste en Algérie

Quelques visas accordés à la presse étrangère pour les élections législatives anticipées en Algérie, le 12 juin dernier. Christian Chesnot, grand reporter de la rédaction internationale de Radio France a découvert un pays sans horizons. Un scrutin avec un taux d'abstention record : 77% qui profite au pouvoir en place. Et toutes les couches de la société, verrouillées. 

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
25 avril 2021. Manifestation devant les locaux du quotidien de langue française "Liberté" dans la banlieue d'Alger pour réclamer la libération du journaliste Rabah Kareche, correspondant du journal, arrêté et écroué le 19 avril. Le pouvoir l'accuse de diffusion de fausses nouvelles pouvant porter "atteinte à la sécurité publique". (AFP)

Une absence d'horizon. Le commentaire de Christian Chesnot à peine débarqué de l'avion qui le ramène d'Alger est sans appel. Le grand reporter de la rédaction internationale de Radio France qui a couvert les élections législatives anticipées du 12 juin n'a pas reconnu un pays qui lui est pourtant familier. Un désenchantement global, une économie à l'arrêt et une vision politique à court terme. 

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune fait un discours à Bouchaoui dans un bureau de vote, à l'ouest d'Alger, le 12 juin 2021, le jour des élections législatives.  (RYAD KRAMDI / AFP)

La participation qui s'établit à 23% ne provoque aucune réaction du pouvoir en place qui se maintient. "Pourquoi parler de la légitimité d'un vote quand il est légal ?" plaide Abdelmadjib Tebboune, l'actuel président.

Le Hirak, mouvement issu de la société civile qui avait boycotté ces élections estime que cette abstention record déligitime le pouvoir en place. Qu'il soit légal ou illégitime, le résultat de ce scrutin n'est que l'illustration d'une société atone. 

11 juin 2021, la veille des élections législatives en Algérie. Un vieil homme assis dans une station de bus, avec les affiches électorales du candidat du "Front du futur".  (RYAD KRAMDI / AFP)

Une société sous une chape de plomb

Elles sont loin les manifestations du vendredi, d'une jeunesse qui demande un avenir et des perspectives. 16 000 policiers quadrillent les rues pour empêcher tout rassemblement et les représailles frappent les cortèges qui se constituent. Une chape de plomb s'abat sur un pays strangulé par la crise économique. Le pétrole et le gaz ont un échéancier qui ne va pas au delà de 15 ans.

Privée de ces ressources, l'Algérie s'enfoncerait inexorablement. À écouter les témoignages recueillis pendant les élections, la vision politique s'arrête au court terme et se réduit au maintien de l'ordre public. Ce n'est pas un projet de société. 

Réunion des partisans du MSP (Mouvement de la société pour la paix) à Alger, le 8 juin 2021, avant le scrutin du 12 juin.  (BILLAL BENSALEM / NURPHOTO / AFP)

Quant à la liberté de la presse, elle est sans cesse bafouée

Khaled Drareni, incarcéré plusieurs mois, correspondant de Reporters sans Frontières n'est pas le seul à subir les pressions du pouvoir algérien. 70e jour de prison pour Rabah Kareche. L'AFP n'a plus de correspondant en Algérie. Le soir des élections, France 24 s'est vu retirer son accréditation. Les correspondants locaux opèrent sous pseudos. 

25 avril 2021. Manifestation devant les locaux du quotidien de langue française "Liberté" dans la banlieue d'Alger pour réclamer la libération du journaliste Rabah Kareche, correspondant du journal, arrêté et écroué le 19 avril. Le pouvoir l'accuse de diffusion de fausses nouvelles pouvant porter "atteinte à la sécurité publique". (AFP)

Et alors que le 60e anniversaire de l'indépendance approche, Christian Chesnot entend dans les discours de la vieille génération au pouvoir, des relents anti-français, comme si les maux de l'Algérie relevaient de la seule responsabilité française.

En dépit d'une histoire évidemment chargée, ce sentiment ne se retrouve pas dans les couches de la population qui dénoncent le système sclérosé, et ne croit plus en grand chose. Surtout pas aux politiques qui la gouvernent.

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