Profession : reporter. Aux frontières du Covid : les choix de l'Espagne
En matière de crise sanitaire, l’Espagne cultive les contradictions, tout en affirmant s’adapter à des situations différentes. La santé des hommes est importante, la santé économique du pays aussi.
Bars à tapas ouverts, lieux culturels fréquentés, couvre-feu à 22h, et frontières fermées à 65 pays dits à risques, un hôpital anti-covid flambant neuf et sous le feu des polémiques, l’Espagne cultive les contradictions. La santé des hommes est importante, la santé économique du pays aussi. Thibault Lefèvre, grand reporter de France Inter rentre de Madrid.
En Espagne, l’état d’alerte sanitaire court jusqu’au 9 mai
Avec des taux d’incidence à la hausse, c’est l’un des pays européens les plus durement touchés par l’épidémie. Le tourisme qui est une valeur clé de l’économie est sinistré. 77% de touristes en moins en 2020. Qui plus est, 65 pays dits à risques, ont vu leurs conditions se durcir pour accéder au territoire espagnol.
Le 22 janvier dernier, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a tenu un discours de fermeté : "Seule la vaccination massive ouvrira le chemin à la normalité que nous désirons tous". L’objectif est "d’atteindre les 70% de vaccinés avant la fin de l’été, ce qui permettra à l’Espagne d’être progressivement mieux préparée à recevoir des touristes internationaux."
À Madrid, tout est ouvert
Vu de l’extérieur, on se dit que l’Espagne vit sensiblement le même quotidien que la France. Ce n’est pas vraiment le cas. À Madrid, tout est ouvert : les bars, les restaurants, les lieux culturels, les musées. Une étude pour les musées justement, a même confirmé qu’aucun cluster ne s’était formé dans les galeries d’art soumises à des protocoles sanitaires.
En clair, la vie est presque normale, le "presque" signifie que tout ferme à 21 h et que le couvre-feu est décrété à 22h. En sortant du travail, les gens en profitent pour se promener, écouter les chanteurs ou acteurs de rue sur les places, prendre un verre, manger en terrasse. Cette vie retrouvée n’a pas échappé aux Européens, les Français en premier lieu, qui profitent des vacances de février pour passer quelques jours en Espagne. Thibault Lefèvre en a croisés beaucoup, plutôt jeunes, plutôt venus pour se distraire et se changer les idées. C’est l’ancien monde retrouvé.
À écouter les autorités, la santé économique du pays est tout aussi importante que la santé des hommes. Et ces mesures n’ont pas aggravé la situation sur le front des hôpitaux. Contrairement à la France, le gouvernement espagnol n’est pas en mesure de mettre en place des dispositifs d’aide. Par exemple, fermer les bars et les restaurants, c’est les condamner à mort et affecter durablement l’économie du pays. Ce n’est pas envisageable.
Dans les hôpitaux, les services sont saturés
Et une polémique a enflammé la presse espagnole : la construction de l’hôpital Isabel Zendal, centre anti-Covid dans la banlieue de Madrid, construit en moins de 100 jours pour un budget exorbitant de 100 millions d’euros. Pourquoi cette somme n’a-t-elle pas été investie dans les infrastructures déjà en place ? Le débat a tourné autour de cette question.
D’une capacité d’accueil de 1 000 personnes, des pavillons de foire expo, du blanc partout, de vastes openspace où sont alignés les lits des malades avec de hauts plafonds où serpentent des tuyaux en acier qui extraient l’air 14 fois par jour pour la purifier. Aucune visite n’est autorisée dans cet hôpital perdu entre des friches et l’aéroport. Un service de sécurité important.
Thibault Lefèvre est entré et sorti de Zendal en ambulance. À son retour d’Espagne, il ne cache pas son émotion. Les tapas et les rires au centre, et au loin, en périphérie, cachés et invisibles, les malades sous les tuyaux de la réanimation.
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