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On s'y emploie. Trop de salariés s'autocensurent au travail

Selon une étude, près de quatre salariés sur dix s'empêchent de dire ou de demander quelque chose au travail. Pas par manque de confiance en eux, mais à cause de leur hiérarchie.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un environnement de start-up, dans les locaux de Schoolab (MAXPPP)

Patrick Scharnitzky est le directeur associé du cabinet AlterNego. Il a mené une étude sur près de 1.500 salariés sur la question délicate de l'autocensure. Il en ressort notamment que 38% des salariés disent s'autocensurer.

franceinfo : concrètement, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce qu'on s'empêche de dire, qu'est-ce qu'on s'empêche de faire au travail ?

Patrick Scharnitzky : S'autocensurer, c’est ne pas oser ou s'empêcher de penser qu’on est capable, qu'on est autorisé à dire ou à faire quelque chose. Ce qui nous intéressait, c’était de se questionner sur les différentes formes. Cela peut être ne pas oser prendre la parole en réunion, ne pas candidater sur un poste parce qu’on a pas l'impression de ne pas être à la hauteur, ça peut être ne pas oser contredire le chef, ne pas négocier un bonus ou une augmentation. Ça prend beaucoup beaucoup de formes très différentes.

Quelles sont les causes de cette autocensure ?

Il y a beaucoup de choses qui sont dites sur l’autocensure sauf qu’il n’y en a aucune qui est scientifique pour la mesurer. Les personnes interrogées qui disent "oui je m’autocensure" évoquent beaucoup plus des causes externes en disant "c’est l’entreprise", "c’est le manager", "c’est mon rapport à la hiérarchie", puisque ce type de causes est évoqué par 75% des personnes interrogées. Les causes internes sont vraiment beaucoup moins importantes. C’est donc beaucoup moins une histoire de confiance en soi que de représentation du milieu dans lequel on travaille.

En quoi la crise que l’on vient de vivre peut changer les choses ?

Je ne sais pas si ça va changer quelque chose, c’est trop tôt pour pouvoir le dire, après, il va de soi que l’autocensure est proportionnelle à l’image que j’ai de mon entreprise. Si j’ai confiance dans mes dirigeants, si j’ai confiance dans mon manager, si je sens que je sais où je vais, ça m’est plus facile d'oser.

Oser proposer une idée, oser contredire, oser demander. Est-ce que ce qu’on est en train de vivre va casser encore un peu plus le lien que le salarié a avec son entreprise en matière de confiance ? Si la réponse est oui, on peut imaginer, mais c’est une pure hypothèse, que ça pourrait augmenter ces facteurs d'autocensure.

On imagine les femmes plus sujettes à l’autocensure, qu’en est-il ?

C’est aussi l’origine de cette étude. Parmi les poncifs que l’on répète, on dit depuis toujours que les femmes s'autocensurent plus que les hommes et on rajoute que parce que c’est parce qu’elles manquent de confiance en elles, comme si c’était dans leurs gènes, ce qui permet d’ailleurs aux hommes d’expliquer pourquoi il y a un plafond de verre. En réalité, quand on les interroge il y a un écart qui est très faible. 40% des femmes interrogées disent qu'elles s'autocensurent, contre 35%  des hommes. Donc, en fait, l’écart est très faible.

Qu’est-ce qu’un manager doit faire pour lever ces freins ?

Il doit savoir que ça existe, ne pas être dans le déni. Ensuite, il doit essayer de deviner ou d’avoir des petits indicateurs, aller chercher les gens qui, d’un seul coup, ont un "non-verbal" complètement fermé ou qui participent moins en réunion, qui sont moins enthousiastes. 

Et puis aussi on peut poser la question dans l’entretien annuel : "est-ce qu’il t’arrive d’avoir une idée que tu n’oses pas partager", "est-ce que c’est compliqué pour toi de proposer une idée qui est contraire à la mienne ?". Il y a un moment donné où quand on sait que ça existe, ça existe, et on peut accompagner, former et mieux détecter.

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