Pourquoi Apple refuse de "pirater" ses propres smartphones
Apple refuse de débloquer l’iPhone d’un terroriste auteur de la tuerie de San Bernardino. Le débat fait rage aux Etats-Unis autour de cette affaire complexe qui touche aux libertés fondamentales.
Les faits
Le 2 décembre 2015, un couple de terroristes abat 14 personnes à San Bernardino, en Californie. Après la tuerie, les enquêteurs ont retrouvé un iPhone 5C appartenant probablement à l’un des auteurs mais ils ne parviennent pas à savoir ce qui se trouve à l'intérieur car celui-ci est verrouillé.
Ce qu'il faudrait faire, techniquement
En principe, "craquer" le code secret d'un téléphone n'est pas compliqué pour les spécialistes de la police. Pour cela, ils utilisent des logiciels qui tentent d'activer tous les codes possibles jusqu'à ce qu'ils trouvent le bon (attaque par "force brute"). Cependant, depuis iOS 8 (en 2014), la sécurité a été renforcée sur l'iPhone. Après dix tentatives de deverouillage infructeuses, il faut attendre une heure avant de pouvoir recommencer. Cela rend toute tentative de décryptage extrêmement longue. En plus, il semble que le terroriste ait pris soin d'activer la fonction qui détruit les données au delà de 10 tentatives erronées.
Apple sollicité
Le FBI a demandé l'aide d'Apple mais même la firme ne possède pas de "double" du code secret de l'iPhone concerné. La police américaine réclame donc que la marque à la pomme crée spécialement un logiciel pour décrypter le smartphone. Comment ? Il faudrait introduire dans l'appareil une nouvelle version "trafiquée" du logiciel iOS qui désactiverait le système de sécurité. Seul Apple peut faire cela car la marque est bel et bien l'unique détentrice des clés d'authentification du logiciel de l'iPhone.
Pourquoi Apple refuse
Si Apple collabore régulièrement dans le cadre d’enquêtes judiciaires, commel'y oblige la loi, cette fois, la marque à la pomme refuse. Pourquoi ? Elle considère que la demande du FBI va « au delà de l’affaire concernée ». Selon le PDG, Tim Cook, cela reviendrait en fait à créer un système universel permettant de pirater potentiellement tous les iPhone, quels qu'ils soient. Cet outil "passe-partout" pourrait alors être réutilisé par les autorités en d'autres circonstances ou même tomber en de mauvaises mains. Cela irait, estime Tim Cook, à l'encontre des intérêts des clients d'Apple en matière de sécurité des données.
Enjeu démocratique
Depuis l’affaire Snowden, qui a révélé les excès de la NSA en matière de surveillance des particuliers (affaire Prism), les géants du numérique ont renforcé la sécurité de leurs produits afin de mieux protéger les citoyens. Ils refusent notamment d'insérer à l'intérieur de leurs outils de communication des backdoors (portes dérobées) qui permettraient aux autorités d'accéder secrètement aux données personnelles. Cette affaire va donc bien au delà du cas particulier d'une enquête judiciaire. Tim Cook a pris une position de principe très dure. Il est soutenu en cela par Sundar Pichaï, PDG de Google (également concerné avec ses smartphones Android), et aussi par des associations de protection de la vie privée et par des médias américains.
Question politique
En face, les autorités judiciaires et la Maison Blanche demandent à Apple de répondre favorablement au FBI. Des personnalités, comme le sénateur républicain Tom Cotton et Donald Trump, accusent même Apple de "faire le jeu des terroristes de l’EI". Apple se retrouve donc dans une situation infernale qui peut se résumer ainsi : jusqu’où doit aller une entreprise de technologies dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sans porter atteinte aux libertés individuelles ?
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