Nouveau monde. Atteinte à la vie privée et "revenge porn", ces fléaux qui empoisonnent les réseaux sociaux
L’ex-candidat à la mairie de Paris subit à son tour l’un des pires maux d’Internet : "la revanche pornographique".
L’affaire qui touche aujourd’hui Benjamin Griveaux est une forme de ce que l’on appelle le "revenge porn". En français "pornodivulgation" ou encore "vengeance porno", c’est le fait de diffuser un contenu sexuellement explicite (photo, vidéo, ou même audio) sans l’autorisation de la personne concernée. Jusqu’à présent, on rencontrait ce genre d’affaire dans le cadre de vengeances amoureuses (d’où le nom) après une rupture. Le revenge porn a déjà fait de nombreux dégâts. C’est un phénomène en plein expansion depuis l’avènement des réseaux sociaux. Les victimes sont souvent des femmes.
Plusieurs personnalités célèbres en ont fait les frais (Pamela Anderson en 1995, Kim Kardashian en 2007, Rihanna en 2009 ou encore la nageuse française Laure Manaudou en 2007, par exemple) mais aussi de nombreuses jeunes filles anonymes. On a vu peu de "revenge porn" en politique, jusqu’à présent. Une affaire a bien eu lieu l’an dernier aux États-Unis : une élue démocrate à la Chambre des représentants, Katie Hill, a démissionné suite à la diffusion d’images intimes la concernant.
Une infraction spécifique depuis 2016
Que dit la loi ? Déjà, la diffusion sans autorisation d’images intimes constitue un délit d’atteinte à la vie privée. Une première condamnation a eu lieu à Metz en 2014 contre un homme qui avait publié sur Internet des images de sa femme enceinte nue ; celui-ci a été condamné à 12 mois de prison avec sursis et 5000 euros d’amende.
Dans certains cas, il peut aussi y avoir un délit de piratage de données. Aujourd’hui, de nombreux outils informatiques permettent d’espionner ordinateurs ou smartphones pour récupérer des informations personnelles.
Ce n’est pas tout. Le "revenge porn" en tant que tel est aujourd’hui reconnu comme un délit spécifique dans de nombreux pays. C’est le cas en France depuis la loi sur le numérique du 7 octobre 2016. Le Code Pénal prévoit jusqu’à 2 ans de prison et 60 000 € d'amende. Dans l’affaire Griveaux, cette peine menace donc potentiellement l’agitateur russe (qui vit à Paris) qui revendique la diffusion des images. Idem pour toute personne qui diffuserait ces images sur les réseaux sociaux. Il y a toutefois un problème : encore faut-il que la personne puisse être clairement identifiée, or, dans le cas présent, on ne voit pas de visage sur la vidéo. Cependant, la réaction de Benjamin Griveaux pourrait être interprétée comme une reconnaissance d'authenticité.
Peut-on faire disparaître ces images d’Internet ?
Une fois que la machine infernale est enclenchée, il est évidemment, très difficile de l’arrêter, c'est-à-dire de stopper la diffusion de ces images. Les plateformes de réseaux sociaux sont cependant sensibilisées et la loi les oblige à retirer promptement les contenus, lorsqu'ils sont signalés.
Facebook travaille sur un système de suppression automatiquement avant publication. Mais, pour cela, il est nécessaire de disposer d’une empreinte numérique de référence. Il faut donc que les personnes qui souhaitent être protégées acceptent d’envoyer préalablement des images intimes d’elles-mêmes, ce qui peut rebuter. Le système a été initié en Australie.
Dans le cas de l’affaire Griveaux, les images d’origine se trouvent sur un site Web, ce qui est encore différent. Il faudrait agir au niveau de l’hébergement pour les faire disparaître. Il est également possible de faire une demande de déréférencement auprès de Google. Tout cela prend du temps.
Face au fléau du "revenge porn", les associations recommandent vivement, notamment aux jeunes, d’être prudents et de ne pas envoyer des images intimes de soi, même dans le cadre d’un échange privé. On sait bien, aujourd’hui, qu’Internet peut transformer en un instant une affaire privée en drame public.
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