L'égo-réalité
De tous temps, depuis Jean-Jacques Rousseau jusqu'à Chateaubriand en passant par Sartre, les écrivains ont mêlé leurs vies à leurs écrits. Ce qui est nouveau, c'est cette vogue des films et des écrits littéraires et autofictionnels ( on ne parle évidemment pas des documents chocs qui ne nourrissent que le goût du scandale et du voyeurisme).
Cette rentrée marque un véritable tournant avec le triomphe d'une part au cinéma de "La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli et en librairie, de "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan, N°1 des ventes.
La tendance du moment : je souffre donc j'écris ou je filme. En soi ce n'est pas une chose honteuse et inférieure à la création imaginaire pure mais on peut se demander pourquoi une telle tendance est autant plébiscitée.
Il y a une certaine légitimité à voir la réalité transfigurée par des oeuvres de création. Et d'ailleurs c'est assez significatif de voir que ces récits tirés du réel sont la plupart du temps appelés "roman". Des romans vrais dont le pitch permet à chacun de s'identifier : une mère dépressive, un fils malade du cancer, un frère mort, un grand père adoré disparu, un frère envolé... Il n'y a pas de familles heureuses, comme disait un grand écrivain russe.
Beaucoup des succès de cet automne constitue un matériau idéal pour un divan de psy. Et bien sûr, révéler ce qui était caché ou enfoui en soi constitue une formidable auto-analyse mais offerte au plus grand nombre.
Ce curieux mélange des genres ( roman vrai, autobiographie romancée) soit un exercice très français, comme si le matériau du réel et l'intimes étaient une pâte à modeler idéale.
Les spectateurs ou les lecteurs trouvent dans ce genre d'oeuvres un exutoire à leurs propres angoisses. Ils peuvent se dire : tiens, c'est arrivé à un autre que moi et il ou elle le raconte magnifiquement. C'est un peu de ma vie qui passe dans tel ou tel livre, tel ou tel film.
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