Demander de l'aide n'est jamais simple
Dans notre société hyper
individualiste, où l'autonomie est l'une des valeurs fondamentales, il est très difficile de demander de l'aide. Tous ou presque,
nous avons grandi avec cette idée que ne jamais rien demander à personne est source
de gloire. On est très fier d'ailleurs dès que l'on peut proclamer que nul ne nous
a aidé. Beaucoup ont peur de s'entendre dire qu'ils sont "assisté", un terme qui revient
facilement sur le terrain politique ou social et qui est péjoratif.
Quand on demande un coup de main ou un conseil, ce
qui peut gêner c'est qu'on se met un peu à nu puisqu'on révèle ses failles, ses
manquements, on craint que notre image en prenne un coup. Et lorsqu'il d'agit de solliciter une
aide financière c'est encore d'un autre niveau. Dans un monde
matérialiste, cela renvoie inévitablement à la honte de la pauvreté et de
l'échec social. C'est avouer : "Je n'ai pas réussi".
Il y a également la crainte de se sentir
redevable parce qu'on se retrouve
en position d'infériorité vis-à-vis de celui qui donne. Le sociologue
Marcel Mauss l'a bien expliqué, on se sent comme à sa merci, dépossédé de
nous-même. On devient, comme on dit, son "obligé".
Le fait de demander de l'aide entraîne aussi le risque d'essuyer un refus. La demande semble être une
mise à l'épreuve du lien : ce n'est pas seulement : qu'est-ce qu'il
va penser de moi si je lui demande de l'aide ? C'est aussi, qu'est-ce que
je vais penser de lui s'il me la refuse ? A ce sujet, il y a une phrase
d'Epicure qui dit : "Ce n'est pas tant l'aide de nos amis qui nous aide,
que notre confiance en cette aide" .
Le tempérament a aussi son rôle à jouer, tout comme le contexte familial dans lequel on a grandi. Cette peur de déranger peut
résulter d'une enfance où, par exemple, on avait la sensation d'être en trop,
de ne pas avoir sa place dans la famille. Ou le contexte familial était
tel qu'on ne se sentait pas la possibilité d'exprimer nos besoins. Donc on a
pris l'habitude de les passer sous silence et de garder ses problèmes pour
soi.
Avant de demander de l'aide il est important de choisir les personnes
et de ne pas envoyer une demande un peu délicate à ses centaines supposés amis
des réseaux sociaux. Ensuite, un conseil donné par Isabelle Crespelle, analyste
transactionnelle, c'est de formuler les choses de façon posée, calme. Annoncer,
par exemple : "J'ai une demande à te faire : tu peux dire oui ou non." Pour
laisser à l'autre la liberté d'aider ou pas, et parce que cela nous met en
position de demande, pas d'exigence. Et puis parce que cela veut aussi dire
qu'on est capable d'entendre un refus. Enfin, ce qui peut être utile pour oser,
c'est de savoir qu'un jour ou l'autre nous aurons sans doute l'occasion de nous
retrouver de l'autre côté, du côté de celui qu'on sollicite. Donc vous voyez,
cette demande qui nous paraît à priori honteuse et dangereuse pour nos relations
peut, au contraire, être une opportunité pour nourrir ce fameux "vivre
ensemble" . C'est l'un des bienfaits co-latéraux de ces temps de
crise : ils favorisent les mouvements d'entraide dont on a pu négliger
l'importance en temps de confort individuel.
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