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Micro européen. Le fol été de la politique "arlequine" italienne

Un été fou pour la politique italienne avec des retournements de veste qui ont surpris pendant la saison estivale. Giuseppe Conte, le président du conseil, a présenté son nouveau gouvernement jeudi 5 septembre, un gouvernement d'alliance entre la gauche et le Mouvement 5 étoiles.

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Temps de lecture : 6min
Le mariage de la carpe et du lapin ou l'été de toutes les folies de la politique italienne. (Photo d'illustration) (GETTY IMAGES)

Un mois après la crise politique soulevée par Matteo Salvini, les Italiens ont un nouveau gouvernement. Un savant, ou risqué, mélange entre les sociaux-démocrates et le Mouvement 5 étoiles, mouvement dit "anti-système", mais qui entre quand même dans le système. Et cette nouvelle alliance n’est pas le fruit de compromis politique entre partis, mais la volonté des sympathisants du Mouvement 5 étoiles.

Par le biais d’une plateforme internet dite "Rousseau", les 80.000 sympathisants du mouvement de Beppe Grillo ont à 79,3% approuvé la coalition avec le Parti démocrate, alors que naguère ni le Mouvement 5 étoiles, ni le Parti démocrate ne souhaitaient imaginer un projet en commun, tels les Guelfes et les Gibelins.

Beppe Grillo face à la réalité de la politique italienne

Il faut se souvenir que Beppe Grillo, le fondateur du Mouvement 5 étoiles et comique italien, n’avait de cesse, naguère, de critiquer les sociaux-démocrates. Au fait accompli, cet ancien comique a demandé à ses ouailles de voter pour la coalition, on imagine que cela n’a pas été sans peine pour lui. Il aurait même déclaré qu’il était "fatigué", l’aveu d’impuissance face à la dure réalité de la politique italienne. 

Qui plus est, Luigi Di Maio le nouveau ministre des Affaires étrangères, l’homme fort du Mouvement 5 étoiles, a déclaré que : "Ce gouvernement ne sera ni de gauche, ni de droite, mais un gouvernement qui fera les choses justes". Ce n’est plus un programme, ni un souhait, disons une espérance.

Dernière étape pour ce gouvernement, le vote de confiance du parlement. Dans tous les cas, il s’agit pour l’Italie de ne pas retourner aux élections, pour l’heure prévues en 2023. Quant à Beppe Grillo, son nom de scène rappelle "il grillo parlante", soit le grillon qui était la conscience de Pinocchio, le pantin de bois au nez s’allongeant à chaque mensonge, ceci expliquant cela dans le maelström politique italien.

Salvini, le condottière

"Compromis inévitable, grands défis, magnifique opportunité, moment historique important, occasion unique", Grillo et Giuseppe Conte, le Premier ministre, ont envoyé des appels enflammés aux militants du Mouvements 5 étoiles afin qu’ils approuvent la coalition, des signaux forts qui peut-être ne peuvent cacher la crainte et l’angoisse de savoir Matteo Salvini, le nationaliste, dans l’opposition.

Crédité de 37% des voix des électeurs italiens, Salvini hors du gouvernement va continuer sa route. Certains observateurs le créditeraient de 40% dans l’avenir. C’est la raison pour laquelle le nouveau gouvernement de Giuseppe Conte va tout d’abord détricoter les décrets mis en place par Salvini.

Si Luigi Di Maio a décroché le portefeuille de Ministre des Affaires étrangères, Roberto Gualtieri, Président de la Commission des Affaires économiques au Parlement européen et membre du Parti démocrate va prendre la tête du ministère de l’Economie et des Finances du nouveau gouvernement italien. Lourdes tâches pour ces deux hommes, quand l’Italie, la troisième puissance économique de la zone euro est au bord de la récession avec 132% d’endettement de son PIB, et la possible hausse de la TVA l’année prochaine, très redoutée par les Italiens.

Si les "Condottières" étaient des chefs de bandes armées au Moyen Âge, Salvini prend l’allure d’un Condottière dans une Italie qui risque un dérapage financier et économique, où il aura beau jeu de pointer du doigt les responsables, qui pour lui, sont "aux ordres de Bruxelles", un message déjà entendu en France.

Quant à Di Maio, à la tête de la diplomatie italienne, en pleine crise sans fin du Brexit, "Brexiternity", bientôt la nouvelle Commission européenne, et la France qui montre aujourd’hui qu’il faut compter avec elle quand l’Allemagne montre des signes de faiblesses, Di Maio devra quelque peu "oublier" les slogans anti-système de son mouvement pour se conformer à l’immuable règle de la diplomatie qui ne "souffre" le moindre "vent malin". Ici la politique "arlequine" italienne d’aujourd’hui va devoir apprendre à pratiquer l’usage de la nuance, des pleins, des déliés, et des arabesques.

Le président de la République, Sergio Mattarella, et le Premier ministre, Giuseppe Conte, assistent à la cérémonie de prestation de serment du nouveau gouvernement italien, le 5 septembre 2019 à Rome. (RICCARDO DE LUCA / ANADOLU AGENCY / AFP)

Giuseppe Conte, le président des "conseils"

Quant au premier ministre italien, Giuseppe Conte, dit président du conseil au-delà des Alpes, il va devoir continuer à faire face à une croissance au point mort, tout en voulant réduire le coût de l’emploi, mettre en place un salaire minimum, une politique de l’environnement, soit une transition écologique, et surtout garder dans la botte une jeunesse qui a tendance à fuir un pays déprimé.

La tâche la plus difficile reviendra au Président de la République italienne, Sergio Mattarella, qui devra user du peu de pouvoir qu’il a en évitant toute crise pouvant mener aux législatives anticipées, soit user d’un savant mélange de conviction et de fermeté envers les deux forces politiques (guelfes et gibelins ?...) qui vont mener, par obligation les affaires italiennes dans les prochains mois. Il sait surtout que la "rue" italienne est volatile, et que l’Italie a toujours plutôt été un pays régionaliste comme l’Espagne, ou l’unité et la centralisation sont de fragiles façades. D’ailleurs la rue pour l’instant sera la scène préférée de Matteo Salvini, car le condottière se verrait bien Commandatore.  

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