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Micro européen. La Russie sur tous les fronts

L'aigle à deux-têtes, l'emblème russe, regarde vers l’Orient et vers l’Occident. Quelle est la réalité de la Russie de Poutine aujourd'hui, à l'heure de la prise de l'Afghanistan par les talibans ? Décryptage et enjeux géopolitiques avec Vladimir Fédorovski. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Les armoiries de la Russie avec les deux têtes couronnées de l'aigle sur le drapeau national flottant sur le toit du Kremlin à Moscou. (BLOOMBERG CREATIVE / GETTY IMAGES)

Au départ des Occidentaux d’Afghanistan, à la mi-août, seules deux ambassades sont restées à Kaboul, la russe et la chinoise. En observant la carte de géographie, apparaissent à la frontière nord de l’Afghanistan d’anciennes républiques soviétiques aujourd’hui indépendantes mais russophones, le Turkménistan, Tadjikistan et proches l’Ouzbékistan et le Kirghizistan.

Pourrait-on dire que la messe est dite ?... Non pas, mais en se reportant aux années 2010, nul en Europe ne voulait entendre et comprendre la réalité russe, celle de Vladimir Poutine qui voyant l’attitude d’une Europe repue et blasée, tournant le dos à la Russie, et développant une politique de sanctions, qui n’a jamais changé aujourd’hui, au vu du sommet international sur la Crimée en août dernier à Kiev, et des incessantes attaques anti-russes de certains états membres du Conseil de l’Europe encore aujourd’hui, il était évident que Vladimir Poutine, président du pays le plus vaste en Europe, ne pouvait s’en tenir à une telle attitude commune.

C’est ainsi qu’est née à Moscou l’Eurasie, soit le débouché pour la Russie, État européen, de s’ouvrir non plus vers l’Ouest qui lui fermait portes et fenêtres, mais vers l’Est, les grandes plaines, les routes de Marco Polo vers la Chine, les fameuses routes de la Soie, l’Oural et le Caucase, et voire plus, ce qui est fait aujourd’hui.  

Une réalité historique 

Car l’Afghanistan de "La ligne Durand" est toujours une réalité depuis 1893. Et ce que n’ont pu faire les Bolchéviques, ni les Soviétiques des années 80, Poutine l’a réalisé. S’établir dans un pays loin de sa base, comme il l’a fait en Syrie pour rejoindre les "mers chaudes".

Ce joueur d’échec sait parfaitement avancer ses pions quand une partie de la communauté internationale a trop tendance à le diaboliser, et à s’en tenir à de vagues "mesurettes" qui se veulent anti-russes. Et demain peut-être, l’Inde pour Vladimir Poutine, qui devrait sûrement bien s’entendre avec le Premier ministre, Narendra Modi, dont les forces aériennes sont dotées de Rafale français, mais aussi de nombreux aéronefs russes, Mig, Soukhoï, Iliouchine, Antonov, Mil (hélicoptères), à titre d’exemple pour les forces armées indiennes.

Ainsi la politique extérieure de Vladimir Poutine, très épaulé par son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, un des meilleurs diplomates au monde, la politique russe est loin d’être une politique instantanée, mais plutôt réfléchie, avec pour ambition de s’installer et s’établir de façon pérenne, soit une théorie du temps long, alors que "l’Ouest", en général, a préféré une stratégie à court terme, vouée à de trop nombreux échecs, ce qui fut le cas pour les États Unis d’Amérique.

C’est la démonstration de notre invité Vladimir Fédorovski, ancien diplomate, journaliste et écrivain, quand à l’action de la Russie hors de ses frontières géographiques. Or, l’Afghanistan, premier producteur de pavot au monde, possède un sous-sol avec des gisements de lithium, de cuivre et d’or. A qui profitera la manne, difficile de le dire aujourd’hui, mais entre les talibans, le groupe El, peut-être Daech et les partisans du commandant Massoud dirigés par son fils Ahmad, la Russie et la Chine auront-elles l’occasion de profiter du sous-sol afghan ?... et avec l’accord de qui ?... Ici pourrait se jouer une partie du siècle entre les échecs russes (шахмат) et le jeu de Go chinois.

Bien loin de l’Afghanistan, l’Europe à quelques mois de l’hiver 

De nos jours, si l’arme nucléaire est dissuasive, depuis quelques années la vraie force, l’arme qui marque la puissance, c’est bien l’énergie. L’eau, le gaz, le pétrole : une trilogie qui sera rejointe un jour par le vent, le soleil, la géothermie. Et le pétrole aura disparu, mais pas le gaz. Bien que les poches de gaz se fassent rares autour de l’Europe, et bien que "l’allié" américain "promettrait" à certains Européens un gaz US convoyé par la mer, il existe encore et toujours un producteur de gaz s’étendant avec ses gazoducs, il s’agit bien évidemment de la Russie.

Si le prix du gaz ne cesse de grimper en France et dans d’autres pays européens, il faudra tôt ou tard compter avec le gaz russe, surtout que certaines régions d’Europe connaissent des hivers plus rigoureux que d’autres. Une fois de plus, la patiente politique extérieure russe laisse ses voisins, même éloignés, s’exprimer et prendre position contre Moscou, souvent criant avec la meute. Il n’en reste pas moins qu’un jour ou l’autre, bienheureux seront les bénéficiaires du gaz russe. Et ce n’est pas étonnant si de célèbres ex-hommes politiques européens ont rejoint le gazier russe Gazprom ou le pétrolier russe Zaroubejneft… 

 

Livre de Vladimir Fédorovski : Amour et inspiration, Muses, artistes et collectionneurs, aux éditions Balland.         

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