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Podcast
Les infox de l'Histoire : "Quarante ans d'infox sur le Sida"
En 1981, aux États-Unis, le Centre de contrôle des maladies d'Atlanta recevait de deux médecins des informations inquiétantes. Michael Gottlieb à Los Angeles, et Alvin Friedman qui, ils à New York, avaient remarqué dans les milieux homosexuels la multiplication de deux maladies rares : une forme de pneumonie, la pneumocystose, et un cancer de la peau, le sarcome de Kaposi. Deux pathologies favorisées par la défaillance inexpliquée du système de défense immunitaire des malades. Le 5 juin 1981, le centre d'Atlanta publiait aussitôt les premières données de ce qui allait devenir, selon l'OMS, la plus grande catastrophe sanitaire de l'humanité. Mais en 1981, on ignorait encore les causes de cette maladie, sa gravité et même le nom qu'on lui a donné plusieurs mois après son apparition.
En 1983, les Français découvraient le nom de cette maladie, le sida, apparu deux ans plus tôt, mais sur laquelle on ignorait encore beaucoup de choses. Ses causes, la façon dont elles se transmettaient et sa gravité.
Patrice Gélinet : Dès son apparition, beaucoup d'influence ont circulé et circulent encore aujourd'hui sur le sida. La première étant, on vient de l'entendre, le nom qu'on lui a donné avant de l'appeler Sida, le cancer gay. Comme si elle ne pouvait frapper que les homosexuels.
Arnaud Mercier : Oui, et en même temps, ce n'était pas totalement illégitime de commencer comme ça parce qu'on s'est aperçu que c'était d'abord dans cette communauté qu'il y avait une prévalence de la maladie. Le drame, c'est qu'une fois qu'on a dit ça, on a vu tout de suite un certain nombre de bigots très cathos ou très protestants, et cetera Stigmatiser aussitôt la communauté homosexuelle en parlant de châtiment divin, en les accusant, c'était Sodome et Gomorrhe en quelque sorte, et donc c'était punitif. Et donc malheureusement, cette appellation cancer gay est restée beaucoup plus longtemps que dans le corps médical parce que pour certains, c'était un jugement moral.
Autre infox, puisqu'on ignorait au début le mode de transmission du sida, les malades étaient traités comme des pestiférés puisqu'on croyait qu'il fallait les toucher pour être contaminés.
Oui, malheureusement, c'est très courant. Face à un risque épidémique, on l'a encore vu avec le VIH dès que l'on est face à une maladie très mystérieuse. Évidemment, c'est la peur, c'est la panique qui l'emporte. Et donc il y a un réflexe qui est un reflexe d'ostraciser des malades. D'ailleurs, Jean-Marie Le Pen ou un ministre allemand voulait enfermer les gens dans des sida thorium. Tout de suite, le premier réflexe, c'est l'isolement.
Ce n'est pas, dites-vous, dans un livre, de la désinformation, mais plutôt de la mal information.
Oui, c'est ça. Je crois qu'il faut faire vraiment la part des choses entre le fait de constater que dans les médias, ça n'a pas été parfait ou on n'a pas toujours dit ce qu'il fallait dire, surtout au début, quand ne connaît pas c'était le cas du sida. Ça a été le cas du Covid-19 et qui serait donc de la mal information, au sens où on n'a pas toutes les connaissances nécessaires. Et il n'y a pas de raison de nier que les journalistes sont plus scientifiques que les médecins eux mêmes. Donc ils commettent des maladresses, ils commettent des erreurs. Et puis la désinformation qui serait une intention malveillante de tromper l'opinion.
Avec "Les infox de l’Histoire", la deuxième saison du podcast de la Fondation Descartes en partenariat avec franceinfo, voyagez à travers les époques au cœur des grands épisodes de désinformation. Patrice Gélinet et ses invités exposent et analysent les infox qui ont défrayé la chronique de l’antiquité à nos jours. Complotisme, désinformation, rumeurs, calomnies, emballements médiatiques… Une saison 2 de 8 épisodes pour décrypter les mensonges de l’Histoire.
Producteur : Patrice Gélinet
Réalisatrice : Vanessa Nadjar
Documentaliste/Attachée de production : Juliette Marcaillou
Techniciens : Fabien Capet et Stéphane Desmon
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