"R.M.N." de Cristian Mungiu : L'Europe en question
Lorrain Sénéchal évoque les sorties cinéma de la semaine avec Thierry Fiorile et Matteu Maestracci : "R.M.N." de Cristian Mungiu et "EO" de Jerzy Skolimowski.
R.M.N. de Cristian Mungiu, c'est en soi une performance : évoquer les grands enjeux européens depuis un petit village de Transylvanie, d’où vient Cristian Mungiu. Matthias qui était parti travailler en Allemagne revient chez lui, où personne ne l’attend, certainement pas la mère de son fils, ni son ex-maîtresse, et il cherche sa place.
Dans ces montagnes où on parle le roumain, le hongrois, encore un peu l’allemand, où les roms sont banalement ostracisés, le bas niveau des salaires pousse à l’exil économique et pour recruter, la boulangerie industrielle locale recrute des Sri-lankais, absurdité très actuelle. Les mentalités évoluent moins vite que la vie réelle et la xénophobie contre les ouvriers venus d’Asie, embrase le village. Scène clé du film : une réunion des habitants pour décider du sort des sri-lankais, plan séquence de 17 minutes.
EO de Jerzy Skolimowski
EO, en polonais, est l'onomatopée qu'on traduit en France par Hi-Han. C'est donc l'histoire d'un âne, un petit âne gris, que l'on suit pendant 80 minutes, dans un périple qui va le mener d'un cirque en Pologne, où il est heureux – mais sera paradoxalement libéré par des animalistes – à un sort plus funeste en Italie, en passant par des fermes, des élevages clandestins, des autoroutes ou encore un match de foot dans lequel le pauvre équidé va mettre malgré lui un sacré bazar. Tout au long de sa route, il croisera des humains majoritairement méchants ou cyniques.
Un film pro-nature et pro-animaux assumé par son réalisateur. EO est superbement réalisé et éclairé, des images de nuit sous les lueurs des lampions du cirque ou des projecteurs d'autoroute, de la campagne aux rivières, entrecoupés par des scènes oniriques et psychédéliques qui nous font entrer dans la tête du protagoniste animal, et dans lesquelles on retrouve beaucoup le sens de l'image de Skolimowski, qui est aussi peintre dans la vie, tout ça en fait un très beau film.
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