Le vrai du faux. Non, toutes les images censées montrer le conflit syrien ne sont pas toutes véridiques
Antoine Krempf passe au crible des faits repérés dans les médias et les réseaux sociaux. Jeudi, les images manipulées et censées venir de la Ghouta.
Les combats dans la région de la Ghouta orientale sont au cœur de l'actualité depuis une petite quinzaine de jours. Sur les réseaux sociaux, des dizaines d'images sont diffusées pour montrer ce qu'il se passe dans cette région rebelle à l'est de Damas. Mais, méfiance. Beaucoup d'entre elles ne montrent pas ce qu'elles prétendent.
L'une de ces images, par exmple, met en scène des enfants habillés comme des prisionniers de l'organsiation État islamique et enfermés dans une cage. D'après des soutiens du régime syrien, il s'agirait d'enfants kidnappés pour servir de boucliers humains. Une façon de nous dire que l'armée de Bachar al-Assad combat surtout des terroristes dans la région de la Ghouta.
Eastern #Ghouta : Rebels put the kidnapped children from Adra al Amaliya town in a cage in #Duma city as human shields#syria pic.twitter.com/xSpfAMGSIG
— Hamza sulyman (@hamza_780) 6 février 2018
C'est faux. Il s'agit d'une mise en scène datant de février 2015. On retrouve d'ailleurs cette image sous un autre angle, sur le site de l'agence Reuters et sur celui de l'AFP. D'après les informations fournies par le photographe Abd Doumany, la scène se déroule en février 2015 dans la banlieue de la ville syrienne de Douma. Il s'agissait d'alerter la communauté internationale sur le sort des civils.
Mais les soutiens au régime syrien ne sont pas les seuls à utiliser des photos détournées. Parmi les images destinées à alerter la communauté internationale sur le sort des habitants de la Ghouta, une autre a été massivement partagée ces derniers jours. On voit un enfant qui joue entre des rangées de linceuls blancs alignés sur le sol.
Si vous restez silencieux sur tous ces crimes
— جلمود صخر (@8smAcSCzqibX6Yy) 27 février 2018
Soyez sûr et certain
Demain, vous aurez le même sort#ADSGAM#SaveGhouta#PalestinianRebels#ثائرون_فلسطينيون pic.twitter.com/eK8ta1gVhY
Là encore, cette photo n'est pas récente. Elle a été prise par le photographe italien Marco Di Lauro, en Irak, au sud de Bagdad, soit à 800 km de la Ghouta orientale. Le cliché date précisément de mai 2003, lors d'un reportage sur l'Irak de l'après Saddam Hussein. Sur son blog, Marco Di Lauro dénonçait déjà le détournement de sa photo en 2013.
Pour résumer, il faut faire attention à ne pas se faire avoir. Le principe de base, c'est bien sûr de se méfier de photos pour lesquelles aucune date, lieu ou contexte n'est indiqué. Bref, il faut une source digne de confiance. Cela paraît évident à dire, mais dans ce contexte de manipulation, c'est extrêmement compliqué, y compris pour les médias.
C'est d'ailleurs pour ça que le directeur régional de l'AFP pour le Moyen Orient et l'Afrique du Nord, Christian Chaise, vient de publier une tribune pour dire comment l'agence récupère, vérifie et diffuse les images de la Ghouta.
"Les images de la Ghouta relèvent de l'information, pas du sensationnalisme. Ne pas les diffuser reviendrait à faillir à notre mission (et notre devoir) d'informer" https://t.co/SEDegCd664 par Christian Chaise, directeur régional de l'AFP pour le Moyen-Orient & l'Af. du Nord #AFP pic.twitter.com/iskvL1RqSS
— Agence France-Presse (@afpfr) 27 février 2018
Dans son message, il explique que l'AFP a commencé a former des jeunes Syriens dès le début du conflit et que l'agence communique avec eux en continu. Ensuite, chaque image fournie est vérifiée et authentifiée par une équipe spécialisée.
Pour réaliser ce travail, il faut notamment regarder ce qu'on appelle les métadonnées. Chaque photo prise par un appareil photo numérique contient une série d'informations, comme la marque, le modèle de l'appareil, la résolution de l'image, la date, l'heure de prise de vue, voire le nom du logiciel de retouche éventuellement utilisé. En cas de doute, la photo n'est pas publiée.
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