"L'austérité fait chuter l'espérance de vie dans les pays développés" ?
D'abord, un point de définition
Le terme "espérance de vie effective", utilisé par Jean-Luc Mélenchon, n'existe pas dans le vocabulaire des démographes. Et c'est assez logique. Lorsque l'on parle d'espérance de vie à la naissance par exemple, on imagine que la génération qui vient de naître sera soumise aux mêmes risques de mortalité que chaque génération qui l'a précédée. En clair, qu'un petit garçon qui vient de naître a autant de risque de mourir à 45 ans qu'un homme qui a cet âge aujourd'hui. L'espérance de vie ne peut donc être qu'une hypothèse qui éclaire plus sur la mortalité actuelle que le nombre d'années qu'un nouveau-né va effectivement vivre.
Deuxième point : le constat
Jean-Luc Mélenchon assure donc que l'espérance de vie est en baisse dans tous les pays développés. On a beaucoup parlé ces derniers jours d'une baisse de l'éspérance de vie en France après la publication du bilan démographique 2015 de l'Insee. Selon les données provisoires de 2015, l'espérance a baissé à la fois chez les femmes (-0.4 ans) et chez les hommes (-0.3 ans) par rapport à 2014.
Mais d'après les chercheurs de l'Insee, ce recul s'explique par la combinaison de plusieurs événements : une épidémie de grippe très virulente en début d'année, une vague de chaleur l'été dernier et un épisode de froid au mois d'octobre. A première vue, si on se contente d'observer la France sur une période d'un an, "la politique d'austérité" n'explique donc pas le recul de l'espérance de vie français. Mais qu'en est-il sur une période plus longue et dans plusieurs pays ?
Lien entre austérité et espérance de vie ?
Si on prend comme point de départ la crise de 2008, prélude aux politiques d'austérité, et 2013, dernière année disponible dans les statistiques de l'OCDE, tous les "pays développés" ont connu une augmentation moyenne de leur espérance de vie à la naissance sur cinq ans (même si certains ont connu une année de stagnation ou de baisse).
{% embed infogram esperance_de_vie_a_la_naissance_pays_de_locde" style="color:#989898;text-decoration:none;"> Espérance de vie à la naissance pays de l'OCDE
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Pourtant les dépenses de santé ont été largement rognés par les pays de l'OCDE à partir de 2009.
Pour être un peu plus concret, prenons l'exemple de la Grèce, l'un des pays les plus touchés par la politique de rigueur. A partir de la crise de 2008, les dépenses courantes de santé par habitant ont chuté de manière impresionnante : -2,5% en 2009, -11,2% en 2010, -3,6% en 2011 et -11,6% en 2012. Et malgré cela, l'espérance de vie à la naissance a continué à légèrement augmenter d'environ deux mois d'une année sur l'autre.
{% embed infogram evolution_depenses_santeesperance_de_vie_en_grece" style="color:#989898;text-decoration:none;"> Evolution dépenses santé/espérance de vie en Grèce
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Trop tôt pour tirer des conclusions
Pourtant, "les progrès durables globalement observés dans la Région européenne en termes d’espérance de vie risquent d’être compromis si, parallèlement aux crises économiques ou sociales, on assiste à des réductions des dépenses consenties aux services de santé et à d’autres services et aux filets de sécurité sociale ", alertait l'Organisation mondiale de la santé dans son dernier rapport sur la santé en Europe publié en 2013.
Une crainte partagée par l'Insee. Dans un éclairage publié l'an dernier surLa situation sociale des pays européens depuis le début de la crise , l'institut estime que "l'augmentation du taux de renoncement aux soins, due en partie à la hausse du reste à charge des ménages, pourrait avoir des conséquences sur l'état de santé de la population à moyen terme ".
Et d'après l'Insee, le premier signe des conséquences de l'austérité est sans doute à trouver dans l'espérance de vie en bonne santé, calculé par Eurostat. Un indicateur qui baisse en Grèce entre 2007 et 2013 (de 67.6 ans à 65.1 ans pour les femmes et de 66 ans à 64.7 ans pour les hommes). Par contre, il augmente dans d'autres pays également très touchés par la crise et l'austérité comme le Portugal et l'Irlande.
Un indicateur dont il faut sans doute se méfier un peu car il s'appuie sur les déclarations des personnes interrogées. "Or, la perception de son état de santé peut en particulier être influencée plutôt défavorablement en période de crise ", précise l'Insee.
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