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Covid-19 : des dizaines de milliers d'enfants ont-ils été vaccinés avant le feu vert des autorités sanitaires ? Le Vrai du Faux Junior

Dans le Vrai du Faux Junior cette semaine, les interrogations d'élèves concernant la vaccination d'enfants avant que les autorisations officielles aient été données, et l'éclairage de la présidente de la Société française de pédiatrie. 

Article rédigé par franceinfo - Emilie Gautreau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Vaccination d'un enfant à Chateauroux le 17 décembre 2021 (Delphine-Marion Boulle/Radio France)

Alors que la vaccination des 5-11 ans contre le Covid-19, amorcée officiellement en décembre dernier, reste marginale (environ 2% d'entre eux ont reçu une injection), une classe de première du lycée Paul-Bert à Paris a été interpellée par une vidéo laissant entendre que des enfants de moins de 12 ans seraient vaccinés depuis déjà plusieurs mois.

"J'ai vu passer une vidéo sur Twitter de la députée Martine Wonner qui prenait la parole à l'Assemblée nationale à l'occasion du débat sur le pass vaccinal, explique Solal. Dans cette vidéo, elle dit que 22 500 enfants se seraient fait vacciner avant que l'autorisation pour la vaccination des enfants ne soit donnée, je voudrais savoir si c'était vrai." 

L'occasion de rappeler aux élèves quelques réflexes à avoir face à une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux : la replacer dans son contexte, vérifier qu'elle n'a pas été tronquée, remonter à son origine, retrouver la date à laquelle elle a été tournée – de façon à vérifier notamment que la vidéo est bien authentique et récente.

Une déclaration lors des débats à l'Assemblée

"Normalement, remarque Solal, les échanges à l’Assemblée sont retransmis sur une chaîne, donc on pourrait aller sur la chaîne qui pourrait repasser les débats dans leur intégralité." Quelques recherches permettent en effet de retrouver, via le portail vidéo de l’Assemblée nationale, mais aussi dans le compte-rendu écrit des débats, la déclaration en question, faite par la députée ex-LREM Martine Wonner lors des débats sur le projet de loi "renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire".

Lors de ces échanges, Martine Wonner a notamment interpellé le ministre de la Santé Olivier Véran : "Sans aucune autorisation, 22 500 jeunes enfants, des tout-petits ont été vaccinés en France à partir du mois d’avril 2021. Pour quelles raisons ces enfants ont-ils été vaccinés ?" Cette séquence a ensuite été très partagée sur les réseaux sociaux, dans un contexte où la vaccination des jeunes enfants reste un sujet sensible.

Autorisé par l'Agence européenne du médicament depuis le 25 novembre dernier, le vaccin administré officiellement depuis décembre aux jeunes enfants en France est la version pédiatrique du vaccin Comirnaty de Pfizer, trois fois moins dosée que la forme adulte. Fin novembre, la Haute autorité de santé en France l’a dans un premier temps recommandé pour les enfants à risque de forme grave de Covid-19 et de décès et ceux vivant dans l'entourage d'une personne immunodéprimée. Puis elle a formulé un nouvel avis élargi aux autres enfants de 5 à 11 ans, sous conditions : "dans le cadre d’une décision médicale partagée, sans la rendre exigible ni obligatoire" et " après avoir apporté, aux familles ainsi qu’aux enfants, une information claire et adaptée à leur âge, sur la connaissance des bénéfices et des risques liés à l’administration de ce vaccin". La campagne de vaccination a donc d'abord concerné les enfants à risque à partir de mi décembre, avant d'être étendue, en fonction des souhaits des parents, à partir du 22 décembre.

Des enfants de moins de 12 ans ont-ils été vaccinés avant mi décembre. Et si oui pourquoi ? Pour vérifier, les élèves ont été incités à parcourir la base de données Geodes de Santé Publique France. En y sélectionnant dans "Covid 19" les données de vaccination classées par âge, on constate qu'il y avait effectivement des cas de vaccination d’enfants de 0 à 11 ans au printemps dernier, qui ont augmenté à partir du moment où la vaccination a été autorisée pour les plus de 12 ans en juin. Mi-décembre, plus de 26 000 enfants de moins de 11 ans avaient déjà reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid, essentiellement dans la tranche 10-11 ans (plus de 18 000 enfants), mais aussi de manière plus marginale de 5 à 9 ans (un peu plus de 2 400 enfants) et de 0 à 4 ans (un peu plus de 5 300 enfants ).

Des vaccins administrés pour éviter une "perte de chance"

Comment expliquer ces vaccinations avant que les autorités sanitaires se soient prononcées sur leur pertinence pour cette tranche d'âge ? Solal et son groupe de travail ont là aussi des hypothèses et pistes de vérification : "C’est peut être des enfants qui devaient se faire vacciner parce qu’ils avaient des comorbidités. Mais pour connaître les raisons, il faudrait soit rencontrer un parent qui l’a fait faire à son enfant, soit rencontrer un spécialiste qui voit très bien de quoi on parle."

Et c'est finalement la professeure Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie, qui répond aux élèves : "Il est probable que ces enfants aient reçu le vaccin avant autorisation dans la mesure où ils présentent pour la plupart des maladies graves, des maladies chroniques qui font que le bénéfice risque est extrêmement positif en faveur du vaccin. C’est-à-dire que leur maladie les expose à de telles formes graves du Covid s’ils n’étaient pas protégés que ce serait une perte de chance que d’attendre d’avoir toutes les autorisations pour les faire bénéficier du vaccin". Christèle Gras-Le Guen précise également qu'"en pédiatrie cela arrive souvent puisque les autorisations sont d’abord délivrées chez l’adulte. Et on est régulièrement amené à utiliser de manière exceptionnelle des produits avant qu’ils soient autorisés lorsqu’on pense que c’est important pour la vie des enfants."

Interrogée sur les types de pathologies dont souffrent les enfants concernés, celle qui est aussi chef de service de pédiatrie au CHU de Nantes précise que "les enfants qui ont été vaccinés sont les enfants qui ont un déficit très grave d'immunité de manière congénitale ou aquise, ainsi que des enfants greffés. On sait que des enfants greffés sont exposés à des formes graves de Covid. C'est ce profil de patient qui a bénéficié de la vaccination avant même qu'elle soit autorisée."

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