Le traitement éditorial de la guerre en Ukraine
Le rendez-vous de la médiatrice des antennes de Radio France, avec Emmanuelle Daviet, est consacré à de nombreuses questions des auditeurs sur le traitement de la guerre en Ukraine par les équipes de franceinfo. Avec les précisions de Franck Mathevon, directeur de l’information internationale de Radio France.
Ce n’est pas la première fois et certainement pas la dernière fois que l’on va évoquer cette question du traitement éditorial de la guerre en Ukraine sur franceinfo, par nos reporters, sur le terrain notamment. Les auditeurs et internautes depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février, écrivent beaucoup à la médiatrice des antennes de Radio France, Emmanuelle Daviet.
Cette semaine, cette actualité a en effet pris une nouvelle dimension avec, mercredi dernier, l’adresse à la nation de Vladimir Poutine, qui s’est dit prêt à utiliser tous les moyens face à l’Occident, qu'il accuse de vouloir détruire la Russie : menace de recours à l’arme nucléaire, mobilisation de 300 000 réservistes. Et cette annonce de la mobilisation a provoqué des manifestations et puis un vif débat en Russie.
Se tiennent également jusqu’à mardi 27 septembre, des référendums d’annexion par la Russie, qui ont débuté hier dans des régions d’Ukraine, contrôlées entièrement ou en partie par Moscou. Une actualité particulièrement dense et les auditeurs se disent en effet extrêmement attentifs à la manière dont ce réel est documenté, rapporté et traité éditorialement.
Emmanuelle Daviet : Franck Mathevon, vous êtes directeur de l’information internationale. Comment la rédaction se déploie actuellement sur le terrain et travaille depuis Paris pour couvrir ces événements ?
Franck Mathevon : Alors ce qui est certain, c’est que la guerre en Ukraine, c’est une absolue priorité pour la rédaction internationale et pour franceinfo. On a en permanence des équipes sur le terrain depuis le début du conflit, des équipes de la rédaction internationale, et des différentes rédactions de Radio France, on a eu jusqu’à 4 à 5 équipes. Aujourd’hui, on en a au moins une ou deux. Une correspondante pigiste, Maurine Mercier, s’est installée à Kiev en août pour la Radio télévision suisse et pour Radio France. Et on réfléchit très sérieusement actuellement à envoyer un reporter en résidence à Kiev, pour une mission de plus longue durée.
On a par ailleurs à la rédaction internationale à Paris, une Ukrainienne, Anna Ognyanyck, et un journaliste russe du média indépendant Dozhd, Denis Kataev, pour nous aider à repérer les bonnes infos, à recueillir des témoignages, à faire des traductions, tout simplement à débusquer aussi les fausses informations, les fake news, et toute notre rédaction est mobilisée, tous nos spécialistes, notre spécialiste défense, notre correspondant diplomatique. On ne veut rien manquer de ce conflit en Ukraine, en particulier quand on vit un tournant comme celui qui vient de survenir cette semaine avec le discours de Poutine.
L’autre question que se posent des auditeurs concerne la liberté d’action des reporters sur le terrain. Franck Mathevon, les journalistes occidentaux peuvent-ils réaliser des interviews sans être entravés par les autorités russes ? Est-ce que les journalistes ont des autorisations à demander pour faire leur travail, s’interrogent des auditeurs ?
Alors oui, la question se pose, surtout côté russe, il faut une accréditation pour travailler en Russie, qui dépend du ministère des Affaires étrangères. Une accréditation dont bénéficie notre correspondant à Moscou, Sylvain Tronchet. Elle est renouvelée actuellement tous les trois mois, alors qu’elle était renouvelée tous les ans auparavant. Mais vous le savez, il y a eu une loi au début du conflit qui a encadré ce qui pouvait être dit, sur ce qu’on appelle "l’opération spéciale" en Ukraine, une loi est passée en Russie. Dans la pratique, il semblerait que les médias étrangers n’y soient pas soumis.
En tout cas, pour eux, la parole est relativement libre. On peut diffuser - on l’a fait sur franceinfo ces derniers jours - des interviews d’hommes qui ne veulent pas être engagés, malgré l’annonce d’une mobilisation partielle par Vladimir Poutine. On peut diffuser des interviews de gens qui sont contre la guerre. On documente le fait qu’on recrute des personnes qui n’ont pas d’expérience militaire, par exemple. Mais on sait aussi qu’il y a des sujets un peu plus délicats à traiter, par exemple les victimes du conflit, le retour des soldats. On estime malgré tout qu’à ce stade, les conditions sont acceptables pour travailler en Russie, même s’il y a quelques restrictions.
Selon vous, quelle est la difficulté majeure pour couvrir ces événements ?
Je dirais que la difficulté majeure, c’est l’impact de cette guerre sur tous les aspects de notre couverture à l’international. C’est vraiment un conflit qui a rebattu les cartes, qui a modifié les priorités diplomatiques, qui a bousculé les relations entre les pays. Donc, bien sûr, il faut couvrir la guerre. C’est compliqué. On le sait, la vérité a du mal à s’imposer en temps de conflit, il faut être prudent. Il faut un dispositif spécifique. On en a parlé, mais au fond, on a de l’expérience dans ce domaine.
Mais il faut aussi couvrir toutes les conséquences de cette guerre, elles sont immenses, économiques, diplomatiques, l’avenir de l’UE, le rôle de la Chine, celui de la Turquie, l’influence des Etats-Unis. Donc, on a vraiment dû se redéployer, se remobiliser pour couvrir tous les aspects de cette guerre en Ukraine, et ne rien manquer de ce conflit.
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