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Le rendez-vous de la médiatrice. Grève à Radio France : les raisons du mouvement social. Un élu CGT répond aux auditeurs

Au treizième jour de grève et de perturbation des antennes à Radio France, suite au mouvement social des personnels contre le plan de réorganisation de l'entreprise publique, qui prévoit la suppression de 299 postes sur trois ans, Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes, reçoit Lionel Thompson, journaliste à France Inter, élu CGT au Conseil d’administration de Radio France.

Article rédigé par franceinfo, Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
La façade de la Maison de la radio, à Paris. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS)

En ce samedi 7 décembre 2019, la grève à Radio France en est à son 13e jour. Quelles sont les raisons du mouvement social à Radio France : comment se met-il en œuvre concrètement dans les rédactions ? 

Beaucoup d'auditeurs posent des questions à la médiatrice des antennes, Emmanuelle Daviet. Elle reçoit cette semaine Lionel Thompson, journaliste à France Inter, élu CGT au Conseil d’administration de Radio France, qui répond aux interrogations des auditeurs et internautes. 

Emmanuelle Daviet : Nicole, une auditrice, nous écrit : "La grève est légitime certes, mais on ne sait même pas pourquoi les journalistes sont en grève. II serait peut-être normal qu’il y ait un service minimum d’information et de journaux. Ou on pense que l’information est une fonction essentielle, et l’on assure un minimum, ou alors on estime que c’est une fonction subalterne, et on peut s’en passer."

Que répondez-vous à cette auditrice ? Quelles sont les causes de ce mouvement social ? 

Lionel Thompson : Les raisons sont simples, un plan d’économies de 60 millions d’euros et 300 suppressions de postes que l’ensemble des syndicats considère comme insupportable pour l’entreprise, et surtout, qui va toucher à la qualité et aussi à la quantité de ce que l’on est en capacité de produire, donc à la qualité de ce qu’on offre aux auditeurs.

Et si on en vient à faire grève sur cette question, c’est parce qu’on a malheureusement épuisé toutes les capacités de dialogue avec la direction. Et qu’on en vient à ce moyen qui ne nous enchante pas de faire grève, et donc, de perturber les antennes. Après quand on est gréviste, on est pour qu’il y ait le maximum d’informations sur la grève sur les antennes, mais quand on est gréviste, on ne peut pas venir à l’antenne, sinon on travaille. On ne peut pas prendre l’antenne de force, ça c’est illégal, et on ne prône pas ça évidemment. Après l’information revient à ceux qui travaillent, à ceux qui dirigent la rédaction à ce moment-là et qui s’organisent pour que l’information continue malgré la grève.

Emmanuelle Daviet : Un auditeur écrit : "Vous voudrez bien m’expliquer la logique de la grève qui consiste à priver les auditeurs de leur radio. Pour mémoire si vous avez du travail, c’est parce que vous avez des auditeurs." La grève qui est perçue nous dit Pascal "comme celle d’une corporation attachée à ses privilèges mais non comme une défense du service public".

Que leur répondez-vous ?

Lionel Thompson : Je ne crois pas qu’on défende des privilèges en l’occurrence. On défend un financement correct du service public de radio qui puisse nous permettre de continuer à faire des productions de qualité.

Si le choeur de Radio France est réduit d’un tiers, ça va réduire sa capacité à chanter un certain répertoire, ça va réduire sa qualité. Si la production est touchée, avec des postes de réalisateurs, de techniciens supprimés, ça va toucher à la qualité et à la quantité de productions élaborées, de fictions et de documentaires qu’on va pouvoir produire. Pareil pour l’information, par exemple la suppression de l’information sur Fip.

Voilà, on se bat vraiment pour la qualité de nos productions et pour la qualité du service public. Et encore une fois, on est désolés d’en arriver à une grève pour ça.

Emmanuelle Daviet : On poursuit avec une demande de Marc : "Il serait intéressant de savoir - pour expliquer la non-diffusion d’une émission - combien de personnes impliquées dans sa réalisation sont en grève. Autrement dit, 1 technicien gréviste suffit-il à arrêter le système ? Idem pour les journalistes. Cet aspect quantitatif de la grève serait instructif tant l’impact de la grève est disproportionné par rapport au nombre de grévistes communiqué par la direction."

Quel éclairage pouvez–vous apporter à cet auditeur ?

Lionel Thompson : C’est vrai qu’il y a la notion d’équipe. Car pour faire de la radio, il ne faut pas seulement des gens derrière le micro, il faut à côté, des gens qui préparent les émissions, il faut des gens qui les réalisent, il faut des techniciens qui soient à la console. Et quand des personnes sont en grève, dans une équipe, il peut arriver que, si toute l’équipe n’est pas en grève, mais qu’un certain nombre de personnes soit en grève, ça bloque la diffusion de l’émission.

Ceci dit, la direction s’est organisée depuis déjà un certain nombre d’années pour pouvoir, malgré des équipes réduites, diffuser des programmes. Par exemple, l’antenne sur laquelle nous sommes, franceinfo, il ne suffit pas que le technicien soit en grève pour bloquer la diffusion, non. J’ajoute que sur les premiers jours de grève, il y a eu une mobilisation assez massive qui montre que le projet d’économie est assez massivement rejeté par les salariés.  

Emmanuelle Daviet :  un auditeur : "Je paie 139 euros de redevance au fisc pour la radio/télévision française. Ce qui m’autorise à prétendre à l’usage de la radio que je co-finance tous les jours, comme chaque Français. Je considère que chacun, d’autant plus s’il est fragile (personne âgée, malade ou incarcérée), a besoin de sa radio. C’est devenu 'vital' pour tout un chacun"

Que vous inspire cette réflexion ?

Lionel Thompson : Je suis d’accord avec cet auditeur. On se bat pour le fait, qu’avec cette redevance, on puisse continuer à avoir des radios de qualité et qui soient à capacité de remplir pleinement leurs missions.

Sur la redevance : elle n’est pas si chère que ça en France. Il faut rappeler qu’elle est plus chère en Angleterre, en Allemagne par exemple. On est au 8e rang européen au niveau de la redevance. Après, c’est vrai qu’il va falloir la réformer, peut-être la rendre plus juste, en faisant qu’elle ne touche pas les plus modestes, l’asseoir sur autre chose que les simples postes de télévision, pour qu’elle puisse rapporter suffisamment de moyens à l’audiovisuel public, pour remplir ses missions, pour faire face à la concurrence du privé.

Sur le prix de la redevance, ce qui revient à la radio c’est 18%, et pour ce prix-là 25 euros par an, nous, on offre plusieurs chaînes nationales : franceinfo, France Inter, France Culture, France Musique, Mouv, Fip, et les 44 stations locales de France Bleu, les 4 formations musicales de Radio France, il y a tout un tas de produits sur internet, tout ça pour 25 euros par an. Il y a des gens qui paient parfois jusqu’à 40 euros par mois pour des chaînes cryptées.

Donc pour ce prix-là, on n’est pas extrêmement cher, et la redevance aujourd’hui, il faudrait la réformer pour qu’elle soit plus juste, avec des exemptions possibles, et qu’elle permette de financer correctement l’audiovisuel public.

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