Vers la fin de la trêve à Notre-Dame-des-Landes
Ce n'est pas pour rien que le site du projet d'aéroport du
Grand ouest a été classé en zone humide. Sans une solide paire de bottes et
malgré le printemps, impossible d'évoluer au creux des sentiers du bocage sans
s'enfoncer dans la boue.
Le temps d'une trêve
Malgré l'humidité et le froid, ce n'est pas sûr que les opposants
présents sur le site espèrent tellement le printemps. Depuis la mise en place
d'une commission de dialogue par Matignon fin novembre, le site du projet
d'aéroport connaît une sorte de trêve hivernale : aucun affrontement direct
avec les forces de l'ordre.
Pendant cette pause de plusieurs semaines, des dizaines de
cabanes ont poussé le long des lisières de la forêt de la Zad, pour "zone
d'aménagement différée " rebaptisée "zone à défendre ". D'après
plusieurs sources, il y aurait en moyenne 300 opposants présents sur le site.
Parmi eux, Emilie (prénom d'emprunt) est arrivée il y a une
quinzaine de jours. Entre deux averses, elle cherche des morceaux de bois pour
pouvoir construire sa cabane.
Sur la Zad, les nouveaux venus sont accueillis à La Châtaigne.
On y trouve des dortoirs, un four à pain et une quincaillerie. Le lieu est géré
à tour de rôle par l'un des 200 collectifs de soutiens en France. C'est ce lieu
dont le tribunal de Saint-Nazaire vient d'ordonner l'expulsion ce mardi.
"Unis au-delà des barricades "
Car la donne est en train de changer. Ce jeudi, le même
tribunal pourrait également ordonner l'expulsion d'un autre fief de la
contestation : la ferme de Bellevue. Et les paysans qui l'occupent sont
inquiets. Mardi matin, deux camions de gendarmes mobiles ont tenté de passer
devant le bâtiment. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils ne les avaient pas
vus. Romain, un ouvrier agricole installé dans la ferme depuis deux mois, est
allé au devant des forces de l'ordre avec un des 35 tracteurs dont disposent les opposants.
Pour tous, c'est le signe que l'hiver est terminé. Marc,
croisé dans un champ boueux, dit qu'il s'y attend depuis quelques jours : "Ces
semaines de repos nous ont permis de beaucoup discuter avec des gens qui
viennent d'un peu partout. C'est l'occasion d'être unis au-delà des barricades.
Mais on a quand même parlé des stratégies de défense. Ou plutôt de la diversité
des stratégies de défense ". Il faut dire qu'entre les militants
historiques, les paysans du secteur et les "zadistes ", les opposants
sont loin d'être une communauté unie. Mais Marc l'assure : "nous sommes
prêts ".
Mettre un terme à une "zone de non-droit"
S'ils sont plus présents ces derniers jours, les gendarmes
n'ont jamais déserté le terrain. Impossible d'accéder à la Zad sans croiser un
contrôle routier. Les journalistes n'y échappent pas et leurs numéros de carte
de presse sont communiqués à la hiérarchie. "On nous a demandé de lister
les journalistes présents. Je ne sais pas pourquoi ", explique un gendarme.
Mais la pression devrait encore augmenter d'un cran dans les
jours qui viennent. Plus que les décisions des tribunaux, c'est la fin de la
commission de dialogue que craignent les opposants. Une échéance que Jacques
Auxiette attend avec impatience. Le président de la région Pays de la Loire est
un farouche défenseur du projet d'aéroport, comme il l'explique sans ambages dans
un livre numérique publié il y a quelques jours sur son blog.
"Ca commence à sentir bon"
A la Châtaigne, on s'attend donc à une nouvelle opération
policière après celle de l'automne. De nouvelles barricades ont été installées
sur les routes. Elles sont gardées en quasi-permanence. Gilles vient de
Bruxelles. C'est un des nouveaux arrivés sur place.
Et quoi qu'il en soit, pour Cyril Bouligand du collectif de
paysans opposés à l'aéroport, une nouvelle intervention policière serait une
victoire.
Signe de la confiance qui règne sur la Zad, on discute déjà de l'ouverture
dans les prochains mois de lieux alternatifs et de nouvelles exploitations
agricoles sur les terres normalement prévues pour l'aéroport.
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