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Squelettes d'enfants de Tuam : l'Eglise catholique accusée

Les ossements découverts en 1975 dans une fosse septique d'un ancien couvent catholique irlandais de Tuam n'étaient pas ceux de victimes de la grande famine qui a frappé l'Irlande à partir de 1840. Mais ceux de 800 bébés et d'enfants de mères célibataires qui n’étaient pas mariées. Une affaire étouffée par l'Eglise catholique.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (© Radio France/Sébastien Baer)

Cette institution catholique avait été baptisée The Home, la maison, mais en réalité c’était plutôt une maison de correction, voire une prison. Rien, en tout cas, d’un havre de paix. A l’intérieur, on cachait les femmes perdues, ces mères enceintes sans être mariées. De ce couvent, qui a fermé ses portes en 1961, il ne reste plus grand-chose aujourd’hui. Seule une partie de l’enceinte et un pan de mur de la chapelle restent visibles. A la place, il y a maintenant une aire de jeux. Et un carré de gazon à l’endroit où l’historienne Catherine Corless a établi la présence de 796 petits squelettes. "Quand j'ai découvert ça, j'ai été bouleversée. Je n'arrivais pas à y croire. Les rapports de 1947 évoque des enfants décharnés avec seulement la peau sur les os. Le pire c'était dans les années quarante. Chaque semaine il y avait un enfant ou un bébé qui mourrait. Je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi on a laissé faire ça."

Il a été établi que le plus jeune de ces enfants avait deux jours, le plus âgé 9 ans. Des enfants morts de maladies - tuberculose, rougeole, pneumonies - mais aussi parfois victimes de maltraitance.

 

 

  (L'historienne Catherine Corless, Teresa Kelly et Francis Hopkins  © Radio France)

 

 

Comment expliquer que le silence ait duré si longtemps ?

Eh bien dans la très catholique Irlande, tomber enceinte hors mariage était l’ultime pêché, presque un crime. Cette mentalité a perduré pendant des années. Au-delà même de la fermeture de l’établissement, au début des années 60. Pendant toutes ces années, personne ne s’est intéressé au sort de ces mères célibataires raconte Teresa Kelly, qui dirige le comité pour ériger un mémorial sur le site : "Avoir un enfant sans être marié était une honte. Ces femmes n'étaient plus considérées comme des êtres humains".

Et voilà comment le secret a pu être gardé aussi longtemps. Pourtant, l’affaire aurait pu éclater il y a bien longtemps. En 1975, deux enfants d’une douzaine d’années ont franchi le mur pour s’amuser. Ils ont découvert la cuve en béton, la fosse septique et les squelettes. Mais à l’époque, l’affaire a été étouffée raconte Francis Hopkins. Il a  50 ans aujourd’hui, et c’est l’un des deux garçons à avoir trouvé le charnier : "C'était là où on se trouve jusqu'ici. Quelques jours plus tard un prêtre est venu et il a béni cet endroit. Et on n'en a plus entendu parler".

Comment réagissent les institutions catholiques et la population ?

L’évêché de Tuam a fait part de son effroi, de sa stupeur. Du côté des habitants, les avis sont partagés. Certains défendent l’église catholique en expliquant que l’époque était différente. D’autres n’hésitent pas à condamner, comme Maura, dont la maison est située à 100 mètres de l’endroit où les squelettes ont été découverts. "Je condamne l'Eglise catholique car elle avait le pouvoir. Elle dictait leur conduite aux religieuses et aux gens des environs".

Et l’Irlande s’interroge maintenant sur son passé, sur le poids, sur l’influence de l’Eglise catholique, au cours du siècle dernier. Catherine Corless, l’historienne, est persuadée que d’autres affaires ne vont pas tarder à éclater.

Une cérémonie devrait avoir lieu, en août, à Tuam, avec l’inauguration de quatre plaques commémoratives qui comporteront les noms des 796 enfants. Pour, enfin, leur donner, leur redonner, une identité.

 

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