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SNCM : les professionnels de Corse à bout de nerfs

La saison touristique en Corse est menacée par la grève des marins de la SNCM, entamée le 24 juin. Les bateaux de la compagnie sont à quai. Les professionnels Corses vont manifester à nouveau ce mercredi devant les préfectures. Ils ressentent le contre coup économique du blocage et craignent que la saison touristique ne tombe à l'eau.
Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
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  (Les plages corses vont-elles se remplir cet été, avec l'effet grève à la SNCM © Radio-France/Etienne Monin)

L'économie de la corse est fortement perturnée depuis deux semaines par une grève des marins de la SNCM. Les dessertes de l'île sont bien moins nombreuses. L'approvisionnement est touchée, autant que les sorties de la production locale. 

L'agriculture touchée de plein fouet

Avant de faire coulisser la lourde porte de sa chambre froide, Dominique Fieschi enfile une grosse parka pour supporter la température de 4 degrés qui sauve encore sa production.

Cet agriculteur produit des pêches, des nectarines et des abricots. Il a une exploitation de cent vingt hectares dans la plaine fruitière de Bastia. Et sa récolte est aujourd'hui prisonnière de l’île.

Avant la grève à la SNCM, il envoyait deux semi-remorques par jours sur le continent. Aujourd’hui, il dit qu’il n’y a plus qu’un semi tous les trois ou quatre jours qui trouve une place sur les bateaux.

"Comme on a pas de frêt, puisqu’il n’y a pas assez de rotations, on ne peut pas expédier tous les jours les 25 tonnes qu’on devrait expédier."

 

  (Stock de pêches et de necatrines en attente de bateaux @ Radio-France/Etienne Monin)

La crise du fret c’est la conséquence la plus visible du blocus de la SNCM. Une autre compagnie a pris le relais. Il s’agit de la CMN la Méridionale. Mais elle est également tombée dans les filets des grévistes, qui ont gelé un des bateaux à Marseille, depuis le premier juillet. D’après la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Haute Corse, 62% du trafic habituel de frêt est aujourd’hui assuré.

Un début de pénurie déjà visible dans certains supermarchés

A Borgo par exemple près des campings, le magasin Leclerc a mis des petites affichettes pour s’excuser de ne plus avoir de pain de mie, certains types de formages ou de yaourts. La remorque  était attendue vendredi dernier. Pour l’heure elle est bloquée à Marseille. Le directeur Jeremy Bouvier estime qu’il a déja perdu 8% de son chiffre d’affaire : 

"On attendait une remorque ce matin, elle est toujours au port."
 

  (L'explication d'un rayon vide à Borgo © Radio-France/Etienne Monin)

Impact économique, menace sur le tourisme

Pour autant la Corse n’est pas coupée du monde loin de là. Trois compagnies assurent le trafic des passagers au départ de Toulon, Nice, ou de l’Italie. Corsica Ferries dit avoir encore deux tiers de disponibilité pour les voyageurs sur ses bateaux pour les quatre prochains jours.

Mais cela n’empêche pas certains touristes de jeter l’éponge. Michel est responsable d’une agence de voyage à Lyon. Il vient d’arriver avec un groupe, mais il affirme avoir annulé un bus qui était programmé pour la mi-septembre avec de jeunes retraités.

"Ils ont décidé de ne pas venir en corse parce que vraiment ça les angoisse"
 

Le recul touristique : plus une tendance qu’une hémorragie

D’après la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Bastia,  le nombre de passagers débarqués au port depuis le début de la grève est équivalent à celui de l’an passé pour la même période.

Un jeune site de réservation Corsica Booking qui travaille avec 350 établissements ne note que peu d’annulations sur les réservations. Il évoque plutôt des modifications.

L’Union des métiers et de l’industrie de l’hôtellerie (UMIH) en Corse estime de son coté que les réservations sont en baisse de 5 à 10% pour juillet et août.

Concrètement, dans son camping, Laurent note que les bungalows tiennent le choc, alors que les séjours en camping sont en légère baisse.

"Les gens ont pu se reporter sur les autres compagnies de bateaux."

 La Corse agressée de toute parts

Beaucoup craignent que cette grève n’entache à nouveau l’image de l’île alors que le FLNC a baissé les armes et que beaucoup avait été misé sur le tour de France l’an passé. Les professionnels se sont donc mobilisés.

En première ligne, il y a la chambre de commerce, la chambre d’agriculture les transporteurs et la CGPME, l'organisation syndicale des petites et moyennes entreprises. Ils ont déjà manifesté en préfecture, ils vont recommencer aujourd’hui.

Ce qu’ils demandent, c’est le déblocage du navire de la méridionale le Kalliste et un accès sécurisé au port de Marseille pour débloquer les camions qui sont à quai afin de transporter une plus grosse quantité de frêt.

Les professionnels ont le sentiment que les syndicats à Marseille se servent de la Corse comme d’un levier pour faire monter les enchères.

Karina Goffi est gérante de l’hôtel San Pellegrino à Folelli près de Bastia. Elle pointe la responsabilité de la CGT dans ce qui pourrait devenir une tempête pour le tourisme Corse, si le conflit s’enlise :

"Moi je pense que le mot d’ordre c’est : toucher la CGT à  Marseille"

Mais l’Etat s’est aussi mis à dos ces notables de Bastia. Vendredi dernier, l’occupation de la préfecture a été sévèrement réprimée par les forces de l’ordre. Les images ont ému toute l’île qui s’est sentie une nouvelle fois abandonnée par les pouvoirs publics. 

 

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