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Le cannabis en France : portraits de jardiniers... en herbe

Ils s’appellent Raphaël, André, Pierre. Ils fument du cannabis depuis plusieurs années et ont décidé, un jour, de cultiver leur propre herbe. Portraits de ces cannabiculteurs.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Raphaël , 19 ans, cultive deux plants. Il en avait marre
d’acheter dans les banlieues : "J’ai souvent eu des problèmes avec ça au
niveau de la police ou du racket, et je me suis dit que c’était le meilleur
moyen pour moi d’être le moins en danger
".

"Le plaisir du jardinage" Un cannabiculteur

André , 52 ans, lui est passé à l’auto-culture. Parce qu'il "en avait assez de trouver des produits pas très bons, et un peu trop
cher
". En outre, cette culture du cannabis lui permet d’assouvir sa
passion pour le jardinage. Comme il le dit : "Je n’ai malheureusement pas de jardin, donc j’ai mon
placard"
.

Pierre , 30 ans, a recours à l’auto-culture avant tout pour
la qualité du produit, mais cela lui permet de ne plus avoir recours au
marché noir où l’on achète des produits à des prix prohibitifs. Il loue enfin  "le
plaisir de cultiver cette plante
".  

Il est très difficile d’avoir une idée de l’ampleur de ce
phénomène par nature clandestin. Soit à l’extérieur, ce que l’on appelle la culture outdoor. Soit à l’intérieur, la culture
indoor. 

Malgré tout, plusieurs enquêtes tentent de quantifier le phénomène.  Sur une population de 3,8
millions usagers du cannabis en France, on estime de 150.000 à 200.000 le nombre de personnes qui a eu recours à l'autoculture en 2010 et à environ 50.000 celui ayant eu recours uniquement à ce mode d'approvisionnement selon la dernière enquête de l'OFDT, l'Observatoire français des drogues et toxicoamnie.

Concernant les quantités produites, le seul chiffre
disponible remonte à 2005. A l’époque, on estimait la quantité de cannabis
produite en France à 32 tonnes, soit 12 % de la consommation totale dans
l’hexagone.

"On troque un danger contre un autre" (sociologue)

Toujours selon l’OFDT, la pratique de ce phénomène en plein
air ou à l’intérieur augmente depuis une dizaine d’années. La courbe ne devrait pas s’inverser, si l’on en croit le sociologue Julien
Lefour. Il s’est intéressé aux cannabiculteurs lors de son passage à l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences Sociales : "Je suis à peu près sûr
que cela va continuer à augmenter. Tant que le marché continuera à être
clandestin, on aura forcément ça. Je ne suis pas là pour dire qu’il faut
légaliser ou pas, ça c’est autre chose, mais je suis sûr qu’il y a un lien
entre l’un et l’autre. Je sais à travers les gens que j’ai pu rencontrer que
c’est quelque chose qui est accepté par beaucoup, à la fois les jeunes, les
parents aussi, car cela évite que leurs enfants soient confrontés aux dangers
du trafic. Alors, ils troquent un danger pour un autre, c’est cela le
risque. Après, il faut être capable de modérer sa consommation tout en ayant à
sa disposition une grosse quantité d’herbe
".

L’autre risque, c’est de se faire prendre. Toutes ces
plantations sont illégales et exposent leur propriétaire à des sanctions judiciaires. Les services répressifs ont d'ailleurs dû s'adapter pour lutter contre le phénomène. Le commissaire Patrick Laberche, chef-adjoint de l’OCRTIS, l’Office central pour la répression du trafic illicite des
stupéfiants
, précise qu'en la matière, les services de police sont confrontés à une recherche difficile, une détection peu évidente en raison de la dissémination des petites surfaces, à la fois en zone urbaine et en zone rurale. Sans oublier les techniques de dissimulation sophistiquées de la part des cannabiculteurs. Aujourd'hui, la police a mis en place une méthodologie de détection puis d'investigation pour lutter contre ce phénomène.

"Peut-être qu'un jour, on pourra légaliser l'usage récréatif du cannabis" (CIRC)

La pratique de l’auto-culture est donc illégale, ses auteurs
s’exposent à des poursuites pénales. Mais de récentes décisions de justice à
Bourges, Strasbourg et Colmar ont pris en compte l’état de santé des prévenus. Ils
utilisaient le cannabis à des fins thérapeutiques, ce qui leur a valu la clémence de la justice. Une décision dont se félicite Jean Pierre Galland du
CIRC, le collectif d’information et de recherche cannabique : " Une personne a été
relaxée, deux ont été dispensées de peines. Si un jour le dossier évolue, ce
sera en passant par la justice, parce que devant un tribunal ce sont des hommes
qui jugent, et ces hommes souvent se rendent compte que les personnes qui
utilisent du cannabis pour ses vertus thérapeutiques ne sont pas des menteurs,
que c’est pour être mieux, tout simplement.

Je pense qu’un jour ou l’autre, l’usage thérapeutique du cannabis sera légalisé, et après, on pourra peut-être
légaliser l’usage récréatif du cannabis
".  

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