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L'archevêque et l'imam de Bangui, ensemble, en visite en Europe

Au milieu des horreurs de la guerre civile centrafricaine, où musulmans et chrétiens se déchirent, deux figures ont émergé. Deux hommes qui ne se quittent plus : l'archevêque de Bangui, et l'imam président de la communauté islamique centrafricaine. Ces deux sages entament aujourd'hui une tournée européenne pour appeler la communauté internationale à l'aide. Ils ont réservé leur première interview à France Info.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga, et l'imam Kobine Layama,
président de la communauté islamique centrafricaine ne se quittent plus depuis
début décembre et vivent ensemble à l'évêché de Bangui. C'est ensemble qu'ils
entament une tournée d'une semaine en Europe : Bruxelles, Londres puis Paris.
Ils réclament une intervention plus solidaire des pays européens en
Centrafrique.

 Et les deux religieux sont bien décidés à faire de leur séjour en Europe
une opération de plaidoyer en faveur de plus d'aide humanitaire et militaire à
leur pays. Mais ce lundi, ils ont encore un peu la tête à Bangui. Ils vont
suivre de près les opérations de désignation du nouveau chef d'état de
transition. Ils savent bien que c'est une étape cruciale pour que le pays
retrouve la paix. Avant leur départ, l'imam et l'archevêque ont d'ailleurs été
consultés. Leur avis a compté pour établir la "short list" : les 8
noms de candidats révélés dimanche.

 "Ce que nous avons dit aux membres du CNT qui nous ont demandé nos
conseils, c'est qu'il faut absolument un choix de raison, un président
rassembleur qui transcendent tous les partis, qui ne se soit affiché avec aucun
camp en particulier. Le choix ne doit pas se faire en fonction de la confession
du président mais en fonction de ses compétences et de sa capacité à fédérer
notre peuple en souffrance. L'enjeu est important. Il faut sauver le pays.
Ensuite ca peut-être un homme ou une femme. Ca n'est pas ce qui compte
",
explique Mgr Nzapalainga.

Une femme, il y en a une parmi les huit candidats finalistes : Catherine
Samba Panza, maire de la capitale Bangui. C'est une femme de caractère 
qui - le plus possible -  est restée neutre ces dernières semaines,
dénonçant absolument toutes les exactions commises dans sa ville.

Parmi les huit derniers candidats en lice, figurent aussi les fils de deux
anciens présidents : Sylvain Patassé et Désiré Kolingba,  respectivement
fils des présidents Ange-Felix Patassé, au pouvoir de 1993 à 2003, et André Kolingba,
de 1981 à 1993. Et puis, il y a Emile Gros Raymond Nakombo, un banquier en
faveur duquel des manifestants ont défilés ces jours-ci à Bangui.

Ces derniers jours, il y a aussi eu dans le pays de nouvelles attaques de
civils. Au moins cinquante civils musulmans ont été tués ce week-end à Bouar
près de la frontière camerounaise. De nombreux centrafricains musulmans 
craignent la désignation d'un président chrétien et un regain de violences de
la part les milices à majorité chrétienne. Apeurés, ils fuient  et c'est
sur la route qu'ils se font ainsi souvent attaquer. Avec cet exode, il y a un
risque de partition du pays en deux : les musulmans au nord et à l'ouest et les
chrétiens dans le sud et à Bangui.

"Ce serait un drame, une catastrophe ", commente 
l'Imam Kobine Layama, président de la communauté islamique centrafricaine.
"C'est une désolation de voir cette migration de mes frères musulmans
qui ont peur des lynchages, des décapitations à la machette. Leur fuite, ca
n'est pas non plus une bonne nouvelle pour le pays d'un point de vue
économique. Car les musulmans centrafricains détiennent 70 % de l'économie du
pays. Ils sont indispensables pour reconstruire la Centrafrique.

"1600 soldats français, ça ne suffit pas du
tout"

    La reconstruction, la
réconciliation ? Le pays semble en être encore loin. La tâche qui attend le
président qui sera nommé aujourd'hui est énorme. Il va se retrouver à la tête
d'un pays est à genoux. Il n'y a plus d'état, plus d'administration, plus de
tissu économique. Et la haine est partout, tenace.

"La mission du nouveau président de transition,
de recoudre la nation en lambeaux",
explique Monseigneur Nzapalainga. "Les Centrafricains aspirent
à la sécurité. Le souhait du million de personnes déplacés qui vivent dans des
camps sordides c'est seulement de rentrer chez eux. Mais comment rentrer à la
maison si mon voisin a une arme et peut me tirer dessus dès mon retour ?"
s'interroge l'archevêque inquiet. "Et puis il y a le défi de
l'alimentation. Les Centrafricains sont nombreux à souffrir de la faim. Les
champs ont été désertés. Les prochaines récoltes seront misérables. Il y a
aussi le défi de l'éducation. Les enfants doivent pouvoir retourner à
l'école.  Sans parler du défi de la santé. Les hôpitaux n'ont même plus de
matelas, plus de médicaments. C'est terrible",
décrit Mgr Nzapalainga.

    La France, qui a envoyé 1600
soldats sur place, et les Nations unis souhaitent des élections
démocratiques en Centrafrique fin 2014 ou début 2015. Mais cela implique la fin
des violences et la reconstitution des fichiers d'état civils quasiment tous
brulés au cours des pillages.  C'est dans l'espoir d'accélérer la
pacification et le processus démocratique que  l'archevêque et l'imam ont
voyagé jusqu'à Paris. Ce matin, ils prendront le Thalys. Direction Bruxelles.
Ils doivent rencontrer des responsables de la Commission, des représentants de
plusieurs Etats et des eurodéputés. Ensuite, ils voleront vers Londres, avant
de revenir à Paris en fin de semaine pour une rencontre  avec François
Hollande, Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian.

A chaque interlocuteur - politiques, religieux,
médias - ils ont prévu de répéter le même message pressent. "Le message
est clair. 1600 soldats français et 4400 soldats de la force africaine ne
suffisent pas pour faire revenir sécurité en Centrafrique, pays de brousse plus
grand que la France. Il y a urgence à ce que l'Union européenne envoie des
renforts importants pour sécuriser plus d'axes et désarmer plus de miliciens.
La France a ouvert la marche, mais l'Europe ne peut pas se contenter de
cela", explique l'imam pour qui l'Union européenne est "un partenaire
privilégié". L'archevêque ajoute : "Notre pays est oublié, délaissé,
abandonné. Il doit revenir au cœur des préoccupations mondiales".

Et justement aujourd'hui à Bruxelles, les
ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne doivent donner leur feu
vert à l'envoi d'une force européenne d'au moins 500 hommes pour appuyer
l'opération française Sangaris.

 "La situation est terrible. La paix est une urgence ",
disent les deux religieux. Eux tentent avec leurs mots d'en montrer le chemin.
Depuis le 5 décembre, les deux infatigables religieux ne se quittent 
plus. L'archevêque grand  et assez costaud toujours aux côtés de l'imam
bien plus petit et plus sec. Tous  deux souriant malgré les drames vus et
vécus. Ils vivent ensemble  retranchés depuis un mois et demi à
l'archevêché et partagent tout.

"Nous discutons tout le temps. Nous
recoupons sans cesse des informations pour désamorcer les violences dans
différents quartiers de Bangui. Seul, ça serait impossible de trouver des
solutions. Mais à deux, nous sommes bien plus forts
", dit l'imam.
"Le fait que nous formions un duo inséparable. C'est un clin d'œil, un
moyen de prouver à la population que musulmans et chrétiens peuvent tout à fait
réfléchir et avancer ensemble
", ajoute l'archevêque. Les deux hommes
racontent qu'ils prient même souvent l'un à côté de l'autre dans la même pièce.
"Pour être encore mieux entendus " disent-ils.

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