Le mot de l'éco. Le verrou de Bercy verrouillé
"Le verrou de Bercy", c’est la formule qui désigne le monopole du gouvernement pour renvoyer devant la justice les fraudeurs fiscaux. Des milliers d'infractions fiscales graves ne seraient pas transmises à la justice, selon certaines ONG et parlementaires.
"Le verrou de Bercy", c’est ce qui permet au gouvernement de renvoyer devant la justice les fraudeurs fiscaux. Autrement dit, seul le ministre du Budget peut décider si un fraudeur passe par la case tribunal ou si l’affaire se règle dans le secret de l’administration.
Un dispositif très critiqué mais qui perdure
Et un dispositif qui est même maintenu, tel quel, dans le projet de loi présenté cette semaine pour renforcer l’arsenal légal contre la fraude. Le verrou de Bercy reste donc verrouillé. Comme c'est le cas depuis sa création dans les années 20.
À la différence d’autres infractions pénales, un vol par exemple, dans le cas de la fraude fiscale au sens strict (pas le blanchiment de fraude fiscale) : impossible aujourd'hui pour un procureur d'engager lui-même des poursuites. Il faut que le ministère du Budget porte plainte. Pas de plainte du ministère. Pas de procès pour le fraudeur. Quels que soient les montants. Ce qui ne veut pas dire que les fraudeurs fiscaux restent impunis. En fait ce n’est pas la justice mais l’administration qui les sanctionne et parfois pour des montants extrêmement élevés, via des pénalités et des redressements fiscaux.
Une plus grande efficacité ?
Pour défendre ce verrou, l’administration met en avant de nombreux arguments.
D’abord, face à la complexité fiscale française, il vaut mieux que des experts, des agents du fisc constituent les dossiers.
Autre argument mis en avant quasiment d'une même voix, par l’administration comme par le syndicat Solidaires Finances Publiques : supprimer le verrou de Bercy encombrerait la justice, qui n'a pas les moyens de traiter les dossiers fiscaux.
Le verrou de Bercy serait donc synonyme d'efficacité mais aussi de rentrées d'argent plus tangibles pour les caisses de l’État. Mieux vaut une procédure administrative avec des pénalités rapides payées par le fraudeur qu'une longue procédure en justice, susceptible de recours, et à l’issue forcément incertaine.
Autre raison moins avouable sans doute pour maintenir à tout prix ce dispositif : comme c'est l’administration fiscale qui décide ou non des poursuites judiciaires, elle peut toujours faire planer la menace d'un procès auprès des contribuables récalcitrants.
Manque de transparence
C'est une des critiques des ONG mais aussi de nombreux parlementaires.
Oxfam voit dans le verrou de Bercy le symbole d'une justice à deux vitesses entre les délinquants traditionnels traduits en justice et les fraudeurs en col blanc. L’ONG souligne que sur 16 000 infractions fiscales graves, seul un millier est transmis à la justice.
Un chiffre qui interroge car il varie très peu d'une année sur l’autre.
Face à ses critiques récurrentes, une mission parlementaire travaille actuellement sur ce verrou de Bercy. Elle rendra ses conclusions en mai. Sans aucune garantie qu’elles soient suivies d'effet.
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